Depuis qu'elle a ouvert les hostilités en 2003, la Recording Industry Association of America (RIAA) a menacé plus de 18 000 internautes ayant téléchargé illégalement des fichiers musicaux.

Depuis qu'elle a ouvert les hostilités en 2003, la Recording Industry Association of America (RIAA) a menacé plus de 18 000 internautes ayant téléchargé illégalement des fichiers musicaux.

Le lobby américain des multinationales de la musique a pu ainsi ralentir un tant soit peu le flux de téléchargement illégal, c'est-à-dire non autorisé par les plus puissants gestionnaires des répertoires de musique - Sony-BMG, Universal Music, Warner Music et EMI. Au moment où l'industrie de la musique est sur le point d'admettre qu'elle doit abandonner les DRM (digital rights management, tatouages informatiques comportant des mesures techniques de protection), voilà qu'elle lance une nouvelle campagne antipiratage.

Plus précisément, la RIAA a convaincu les administrations de 13 universités américaines de lui permettre d'adresser 400 courriels de menaces de poursuites judiciaires à des étudiants déviants. Fidèle à sa pratique amorcée il y a trois ans et demi, la RIAA suggère de nouveau à ses cibles estudiantines qu'un règlement à l'amiable est possible moyennant une somme d'argent et un engagement formel à ne plus jamais pirater de musique.

La RIAA estime que la moitié des étudiants américains téléchargeraient illégalement de la musique et des films - 16 % de la musique d'un Américain moyen provient du «peer-to-peer» (P2P), ce taux grimpe à 25 % chez les étudiants. On se doute bien que l'association évite de citer l'institut américain Forrester Research qui affirmait à la fin 2006 qu'un iPod ne contient en moyenne que 5 % de musique achetée sur iTunes Music Store! D'où vient le reste? Essentiellement des CD (achetés ou échangés entre amis), des réseaux P2P illégaux, des services de téléchargement par abonnement (plus ou moins 10 $ par mois) ou... des nouveaux services légaux de téléchargement gratuit en ligne fondés sur les revenus publicitaires.

Dans une telle confusion, on se demande bien comment la RIAA peut désormais justifier sa répression judiciaire.

«Ce ne sont pas les programmes de dissuasion ou d'éducation qui résoudront le problème du piratage», a pourtant admis Mitch Bainwol, directeur général de la RIAA, cité récemment par le journal en ligne www.clubic.com. «Notre tâche est de fournir suffisamment d'oxygène au marché de la musique légale pour qu'il puisse tenir ses promesses», a-t-il néanmoins ajouté. On en déduit que les majors de la musique espèrent gagner du temps aux USA en misant sur une loi américaine qui leur est favorable... pour l'instant du moins. Jusqu'à quand?

Ces derniers jours, la RIAA a manifesté une opposition farouche au Fair Use Act qui propose d'assouplir la notion d'usage juste et légal des contenus circulant dans l'environnement numérique. Cette réforme aurait pour effet de rendre beaucoup moins contraignant le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) adopté en 1998 par le gouvernement américain. Qui plus est, une telle réforme affaiblirait considérablement la décision favorable du gouvernement américain à l'endroit du studio de cinéma MGM dans sa lutte contre le site P2P Grokster - rendue en juin 2005.

Mis de l'avant par les députés américains Rick Boucher et John Doolittle, le Fair Use Act ferait en sorte que la loi américaine sur le droit d'auteur numérisé se départirait de ses restrictions les plus draconiennes. Ainsi, les consommateurs seraient libres de contourner les verrouillages des contenus protégés par le droit d'auteur dans des contextes spécifiques. Par exemple, les libraires, journalistes, chercheurs et enseignants seraient autorisés à le faire afin de mener à bien leur travail.

Dans la même optique, le consommateur moyen serait autorisé à reproduire, diffuser ou échanger des contenus qui n'auraient pas trouvé leur niche dans les services légaux de distribution en ligne.

On comprendra que la RIAA s'inscrit en faux contre ce projet de Fair Use Act. À court terme, d'ailleurs, le lobby pourrait bien le neutraliser. À long terme? Rien n'est moins sûr. La proposition des députés Boucher et Doolittle compte des appuis importants : la Consumer Electronics Association, the American Library Association, l'American Association of Law Libraries, l'Association of Research Libraries, la Special Libraries Association, la Home Recording Rights Coalition, ainsi que la redoutable Computer & Communications Industry Association. Et l'on ne compte pas les organismes plus libertaires tels Electronic Frontier Foundation, Free Culture ou même cette association carrément nommée Boycott RIAA.

Et puisque ces lobbys pèsent de plus en plus lourd dans la balance, le vent juridique favorable aux plus puissants titulaires du droit d'auteur, en l'occurrence les multinationales du divertissement, pourrait changer de direction...