Acquis l'automne dernier pour la somme de 1,65 milliard US par le tout puissant moteur de recherche Google, le fameux site collaboratif YouTube paiera bientôt les créateurs en puisant dans ses revenus publicitaires. Combien? De quelle façon?

Acquis l'automne dernier pour la somme de 1,65 milliard US par le tout puissant moteur de recherche Google, le fameux site collaboratif YouTube paiera bientôt les créateurs en puisant dans ses revenus publicitaires. Combien? De quelle façon?

Un nouveau dispositif, a-t-on appris ces derniers jours, s'arrimera aux pubs associées aux contenus audiovisuels protégés par le droit d'auteur. Les créateurs légitimes des clips mis en ligne pourront ainsi toucher de l'argent. Moyennant l'insertion d'une courte séquence de publicité en début de diffusion d'un clip sur YouTube, les auteurs de contenus qui en détiennent les droits pourront ainsi bénéficier d'une partie des revenus publicitaires générés par le visionnement de leurs oeuvres.

Mais quelles sommes leurs seront remises? Quelle sera la méthode de rétribution?

Interviewés récemment au forum économique de Davos par le Financial Times et la BBC, Chad Hurley, cofondateur de YouTube, a exprimé cette intention de rémunérer les auteurs des contenus audiovisuels mis en ligne. Chez YouTube, on parle d'une mise en place «progressive» sans préciser les critères et la manière en vertu desquels on érigera ce système de partage des revenus. Déjà, d'autres sites d'hébergement de vidéos ont entrepris une démarche similaire. Prenons le site Revver, qui a octroyé l'an dernier quelques dizaines de milliers de dollars aux créateurs des vidéos Pepsi & Mentos Experiments, joyeux lurons installés dans un petit bled du Maine - à découvrir également sur www.eepybird.com. Au Royaume-Uni, le site collaboratif Three irait dans le même sens.

On observe donc un léger changement de mentalité chez les fournisseurs de service Internet. Il y a quelques mois à peine, YouTube refusait de s'engager sur la voie du partage des revenus, estimant que sa «communauté» n'était pas assez solide à peine 70 millions de visiteurs par mois! Changement de cap, donc: les patrons de YouTube croient désormais que la circulation sur leur site est assez intense pour que l'on puisse envisager un mode de rémunération pour les créateurs.

Voilà, en ce qui me concerne, une façon détournée de répondre aux pressions énormes exercées par les grandes entreprises de la communication et du divertissement. YouTube ne fait-elle pas l'objet d'une citation à comparaître en justice pour la diffusion sans autorisation d'épisodes des séries 24 et The Simpsons?

«YouTube et MySpace ont finalement forcé le marché des contenus à accepter le principe d'une licence générale d'exploitation fondée sur les revenus publicitaires. Plutôt que de laisser s'échapper cette nouvelle manne de revenus, l'industrie de la musique en est venue à admettre l'impossibilité de contourner cette nouvelle façon de faire», estime Daniel Lafrance, président de l'Association des professionnels de l'édition musicale (APEM).

Les multinationales de la musique se sont longtemps opposées à cette licence générale d'exploitation de leurs répertoires sur Internet car ce principe les empêche de négocier la valeur des contenus qu'elle juge plus rentables: par exemple, chaque chanson de Justin Timberlake vendue sur iTunes rapporte beaucoup plus en droits d'auteur que celle d'un artiste moins connu. Sur YouTube ou My Space, des sites d'accès gratuit et illimité, il devient impossible de procéder ainsi vu la quantité astronomique de visionnements quotidiens à gérer, d'où l'implantation imminente d'une licence générale d'exploitation où chaque contenu est également traité.

Les industries culturelles préféreraient certes imposer des systèmes de vente en ligne s'inspirant du iTunes Music Store, qui permettent la vente à l'unité comme c'est le cas dans le bon vieux monde physique. Ça ne se produira pas ainsi; les internautes préfèrent, et de loin, l'accès gratuit et illimité au modèle iTunes. Et ça ne changera pas.

Reste à savoir ce que YouTube, MySpace et les autres sites collaboratifs en pleine ascension daigneront payer pour la création, déjà que le iTunes Music Store rapporte des miettes aux auteurs, compositeurs et éditeurs: ils doivent se partager 8% du prix de vente de leur musique!

Alors? On voit bien que le partage des revenus provenant d'Internet en est encore à son stade embryonnaire et qu'il est encore loin, très loin, d'être satisfaisant pour TOUS les créateurs de contenus, de la culture à l'information en passant par la science et le savoir. Bien au-delà de la musique, les solutions d'affaires proposées par les sites collaboratifs témoignent d'une transition encore chaotique.

Il est facile de prévoir que les fournisseurs de services Internet, You Tube et MySpace en tête de file, auront tendance à partager un minimum de leurs revenus et ce, le plus longtemps possible. Facile aussi de prévoir que cette ouverture à la rétribution des créateurs sera bien petite. Ces sites collaboratifs n'ont-ils pas le gros bout du bâton? Reste à savoir jusqu'à quand...

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