La récente relaxe d'un internaute poursuivi par l'industrie du disque pour téléchargement illégal relance le débat sur les procès à l'encontre des utilisateurs des réseaux d'échange peer-to-peer (P2P), sur fond d'interrogations sur le respect des libertés individuelles.

La récente relaxe d'un internaute poursuivi par l'industrie du disque pour téléchargement illégal relance le débat sur les procès à l'encontre des utilisateurs des réseaux d'échange peer-to-peer (P2P), sur fond d'interrogations sur le respect des libertés individuelles.

Le 14 décembre, un internaute a été relaxé par le tribunal correctionnel de Bobigny, qui a annulé l'ensemble de la procédure pénale pour une raison jusque-là inédite: l'agent assermenté de la Sacem (Société des auteurs et compositeurs) qui avait collecté et conservé l'adresse IP de l'internaute, déclenchant ainsi la procédure judiciaire, n'avait pas obtenu au préalable l'autorisation de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), selon les avocats de cet internaute.

Les associations qui soutiennent les internautes poursuivis par les producteurs de disques ont jugé «fondamentale» cette décision, qui est toutefois susceptible d'appel.

«La plupart des procédures engagées en France l'ont été dans des conditions identiques ou similaires. Elles sont donc susceptibles d'être annulées de la même façon», a estimé l'Association des Audionautes (ADA) jeudi en conférence de presse.

Selon elle, la loi du 6 janvier 1978 sur l'informatique et les libertés, modifiée le 6 août 2004, requiert l'autorisation de la Cnil pour les agents assermentés qui collectent et traitent des données à caractère personnel concernant des internautes.

«C'est une interprétation de la loi», a contesté Me Eric Ravinetti, l'avocat de la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques), interrogé par l'AFP. La SCPP était l'un des plaignants, avec la SDRM (Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique, créée à l'initiative de la Sacem) et la SPPF (autre société de producteurs).

«Ce n'est pas une jurisprudence mais un cas isolé. D'ailleurs, la jurisprudence est plutôt constante de l'autre côté», a poursuivi l'avocat. La SCPP a cité six décisions de justice qui, en 2005 et 2006, ont confirmé selon elle «la validité des procès verbaux» de ses agents assermentés.

Selon cette société de producteurs, ses agents «n'ont pas recouru au traitement de données personnelles qui aurait nécessité une autorisation de la Cnil». Ils ont «agi dans le cadre des pouvoirs conférés par le code de la propriété intellectuelle qui permet à des agents assermentés de constater les infractions à ce code».

«Toute cette surveillance s'est faite sur internet par-dessus l'autorité de la Cnil», a à l'inverse estimé Jean-Baptiste Soufron, directeur juridique de l'ADA.

Selon lui, le fait qu'un tribunal ait retenu cet argument pour la première fois s'explique car jusqu'alors, la justice s'intéressait au fond, c'est-à-dire s'interrogeait sur le caractère licite ou non des échanges de fichiers musicaux via les réseaux P2P.

«Petit à petit, une jurisprudence s'est créée et on a commencé à s'interroger sur la façon» dont les contrôles sont faits, a-t-il affirmé.

A Bobigny, la Cnil avait été appelée à s'exprimer devant le tribunal par les avocats de l'internaute.

Pour sa part, Jean-Pierre Quignaux, de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), a dénoncé des «atteintes à la vie privée».

«Des internautes ont été poursuivis selon la stratégie du bouc émissaire. Mais combien de familles ont-elles fait l'objet d'une traque, d'un profilage ?», s'est-il interrogé.

Interrogée par l'AFP, la Sacem n'était pas en mesure de commenter cette décision de justice mais a indiqué qu'elle entendait faire appel.