Deux points de vue se sont affrontés mardi à Londres sur le jeu d'argent en ligne, l'interdire comme aux États-Unis ou le réguler comme au Royaume-Uni, dans les deux cas au nom de la protection des consommateurs, mais aussi peut-être de la protection d'intérêts financiers.

Deux points de vue se sont affrontés mardi à Londres sur le jeu d'argent en ligne, l'interdire comme aux États-Unis ou le réguler comme au Royaume-Uni, dans les deux cas au nom de la protection des consommateurs, mais aussi peut-être de la protection d'intérêts financiers.

Des représentants de plus de 30 pays se sont réunis mardi au champ de courses d'Ascot, à l'invitation du gouvernement britannique, pour essayer de jeter les bases d'une régulation mondiale commune d'un secteur qui génère 16 milliards de dollars par an dans le monde, tout en ne représentant que 5% du total de l'argent dépensé à des jeux, selon les chiffres du cabinet spécialisé Global Betting and Gaming Consultants (GBGC).

Les États-Unis étaient absents, alors qu'ils constituaient le plus gros marché au monde avant d'interdire ce mois-ci aux établissements financiers de percevoir tout argent provenant du jeu en ligne aux États-Unis.

Depuis, le secteur, qui opère souvent depuis Antigua dans les Caraïbes tout en étant coté à Londres, est en pleine déroute, avec des valorisations divisées par trois ou quatre. Une consolidation des entreprises semble toutefois en cours.

Mardi, la ministre de la Culture Tessa Jowell a tenté de défendre la position britannique de régulation, née dans les années 60 «quand le niveau de jeu illégal était effrayant, alimentant l'équivalent britannique de la mafia», rappelle Julian Easthope, analyste chez UBS.

Mme Jowell a comparé la décision américaine aux effets de la Prohibition sur l'alcool dans les années 20 et 30, avec les risques de dévoppement de jeu clandestin.

«Nous voulons protéger les gens, et si le jeu devient illégal, nous ne pouvons plus le faire», a-t-elle dit.

Sous la loi britannique, les opérateurs ont un devoir de «responsabilité sociale«: ils doivent empêcher des personnes mineures de jouer, afficher clairement des avertissements sur le risque d'addiction au jeu et informer les joueurs du temps qu'ils ont passé sur le site et de l'argent qu'ils y ont dépensé.

Loin de cette souplesse, les États-Unis comme la France ont récemment arrêté sur leur territoire des dirigeants de groupes de jeu en ligne, de Sportingbet et Betonsports aux États-Unis, du groupe autrichien Bwin en France.

Or, souligne Julian Easthope, «les gouvernements se cachent derrière une sorte de morale», mais en fait «ils veulent surtout protéger leurs monopoles et leurs revenus».

Ainsi, Sportingbet a-t-il souligné avec colère que les paris sur les courses de chevaux, un secteur défendu par de puissants lobbies aux États-Unis, sont restés explicitement autorisés par la nouvelle loi américaine.

En France, c'est pour «atteinte au monopole» de la Française des Jeux (FDJ) et du PMU (18 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2005) que deux dirigeants de Bwin ont été mis en examen en septembre.

Interrogé sur la réunion d'Ascot, Julian Easthope estime que les gouvernements «font juste semblant de faire quelque chose pour que la justice européenne reste tranquille».

Ainsi, la France fait-elle depuis ce mois-ci l'objet d'une enquête de la Commission européenne pour savoir si le monopole est compatbile avec la libre circulation des services dans l'Union européenne.

La position britannique n'est peut-être pas exempte non plus d'intérêt, lorsqu'elle défend les nombreux groupes de jeu en ligne cotés à la Bourse de Londres.

L'argument de la «Prohibition» développé mardi par Mme Jowell l'avait d'ailleurs initialement été par ces groupes de jeu en ligne. Interrogée sur l'intérêt, pour les caisses du gouvernement, des taxes sur un secteur qui génère 1,5 milliard d'euros par an au Royaume-Uni, elle a seulement répondu que «le bénéfice pour l'économie était moins important que la protection des citoyens».