Lancé par Google en 2005, le mégaprojet de bibliothèque virtuelle ne cesse d'alimenter la controverse. Caressant l'objectif de numériser 15 millions d'ouvrages, la firme de Mountain View a d'ores et déjà mis en ligne un grand nombre de pages ou d'extraits de livres. Non sans heurts.

Lancé par Google en 2005, le mégaprojet de bibliothèque virtuelle ne cesse d'alimenter la controverse. Caressant l'objectif de numériser 15 millions d'ouvrages, la firme de Mountain View a d'ores et déjà mis en ligne un grand nombre de pages ou d'extraits de livres. Non sans heurts.

Ces derniers jours, plusieurs dépêches sur Internet (Génération Nouvelles Technologies, entre autres) et dans les périodiques français (Les Échos, etc.) ont fait état d'un nouveau conflit entre le monde de l'édition et le tout puissant moteur de recherche: en France, le Syndicat national de l'édition (SNE) vient tout juste de se solidariser avec une procédure engagée le 6 juin par le puissant groupe La Martinière (Le Seuil, Delachaux, Niestlé, Abrams, etc.) contre Google Inc. et Google France sur la base de la contrefaçon du droit d'auteur.

Ce nouveau conflit européen survient à peine quelques semaines après que les éditeurs de journaux belges membres de l'association Copiepresse eurent obtenu des tribunaux que Google retire tous leurs articles de journaux de son flux d'informations disponibles sur le service Google Actualités Belgique.

Les éditeurs de journaux exigeaient du moteur de recherches une rémunération ainsi qu'une autorisation de leur part afin d'indexer leurs pages au moteur de recherche.

Or, voilà qu'une société représentant 90% des éditeurs français dépose une plainte officielle contre Google, de concert avec l'un des principaux éditeurs dans l'Hexagone. On reproche au moteur de recherche de numériser sans autorisation des livres protégés par le droit d'auteur et d'en offrir des extraits sur son service Google Book Search (Recherche de livres).

Le litige porterait sur plusieurs milliers d'ouvrages. La plainte du SNE serait assortie d'une demande de dédommagement: 500000 euros pour chaque infraction recensée. En portant ainsi plainte devant les tribunaux français, le syndicat d'éditeurs se solidarise avec le groupe La Martinière. Le 6 juin dernier, l'entreprise d'édition avait engagé cette procédure devant le Tribunal de grande instance de Paris contre Google Inc. et Google France pour contrefaçon et atteinte au droit de la propriété intellectuelle. De son côté, le groupe La Martinière exige un million d'euros de dommages à titre symbolique et des amendes de 100000 euros par jour et par infraction.

Si, chez Google, on affirme ne diffuser que des documents entiers passés dans le domaine public ou des extraits de livres dûment protégés par le droit d'auteur, les éditeurs français affirment au contraire que des extraits d'ouvrages protégés et numérisés par Google ne font état d'aucun accord avec l'entreprise californienne.

Dans la même optique, le groupe La Martinière et le SNE reprochent à la société Google (qui a toujours clamé sa bonne foi) un manque de rigueur voire une arrogance dans sa façon de numériser les ouvrages sans négocier d'entente avec les ayants droits des contenus qui n'ont pas encore basculé dans le domaine public (plus ou moins 50 ans après leur parution). Notons qu'aucune des deux parties de ce litige ne s'oppose au principe de la numérisation des livres; c'est le mode de rétribution du droit d'auteur qui cause problème.

Voyant dans cette mise en ligne colossale une forme de promotion de la culture, Google s'est toujours engagé à retirer de sa base de données les ouvrages protégés par des droits d'auteur à partir du moment où l'éditeur concerné exigeait une entente.

Or, les relations entre Google et les éditeurs européens s'avèrent plutôt chaotiques puisque des procédures ont été préférées à la négociation d'affaires. Google aurait même fait valoir que le droit international lui permettrait de numériser aux États-Unis des livres français appartenant à des fonds de bibliothèques américaines avec qui les négociations ont été concluantes. On appelle ça patiner sur la sémantique!

On comprendra que cette tension accrue en Europe a rallié de nouveaux adeptes à la mise en oeuvre d'une Bibliothèque numérique européenne - avec un objectif de 6 millions d'ouvrages pour 2010.

Que penser de tout ça?

La migration du livre, des magazines et de la presse écrite vers Internet s'accélère. Catalysées par les succès publicitaires de Google et autres plateformes dominantes sur Internet, les versions en ligne du monde de l'imprimé attirent de plus en plus d'annonceurs (et donc de plus en plus de revenus), à tel point qu'il apparaît de plus en plus possible d'envisager la création de modèles d'affaires rentables sur Internet. Mais qui, au fait, maîtrisera ces nouveaux services? Les plus puissants acteurs de l'industrie de l'imprimé ou les grands fournisseurs de services sur Internet? Que retireront les créateurs de contenus de ce combat de titans?

Chose certaine, le monde de l'imprimé n'a pas fini de s'adapter à ce basculement historique.

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