Les associations de défense des droits de l'Homme présentes à la Foire du livre de Francfort accusent les géants de l'Internet comme Yahoo! et Google de collaborer avec la censure du gouvernement chinois pour mettre la main sur un marché en pleine expansion.

Les associations de défense des droits de l'Homme présentes à la Foire du livre de Francfort accusent les géants de l'Internet comme Yahoo! et Google de collaborer avec la censure du gouvernement chinois pour mettre la main sur un marché en pleine expansion.

«Je ne crois pas à cette théorie qui veut que la Chine seule décide des termes du marché», a affirmé Elke Schaefter, responsable de la section allemande de Reporters sans frontières (RSF), très critique à l'égard des deux géants Yahoo! et Google.

«Il est simplement faux de dire que la Chine est toute-puissante et que les sociétés étrangères impuissantes. Ce n'est pas une voie à sens unique», a-t-elle estimé lors d'un forum intitulé «Les bons amis de la Chine: sociétés occidentales entre business et collaboration», à l'occasion du rendez-vous mondial de l'édition qui se tient jusqu'à dimanche à Francfort (ouest de l'Allemagne).

Le moteur américain Yahoo! est notamment accusé d'avoir fourni au gouvernement chinois des informations concernant quatre opposants chinois, qui ont par la suite été jugés et condamnés.

Parmi eux, le journaliste Shi Tao a été condamné à 10 ans de prison pour avoir fait circuler, via son adresse Internet Yahoo!, une interdiction du gouvernement chinois aux médias nationaux de faire toute référence au 15e anniversaire du soulèvement de la Place Tiananmen en 1989.

Selon Michael Hanfeld, chef de rédaction dans le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, la Chine emploie 30 000 personnes pour scruter l'Internet à la recherche d'informations à censurer.

«La Chine ne prend pas la voie de la liberté de la presse. Au contraire, le monopole de l'information a grandi», a-t-il dit.

Dans un rapport publié en août, l'association américaine Human Rights Watch dénonce les grandes sociétés Internet qui aident la Chine à rendre plus efficace son «Grand pare-feu», pour faire taire les voix discordantes sur le net.

Pour HRW, Yahoo! a censuré son moteur de recherche en chinois pour atteindre un niveau similaire à celui des sociétés Internet chinoises. Le moteur de Microsoft, msn, filtre quant à lui les mots-clés et les titres de blogues pour éviter d'afficher les sujets politiques sensibles.

Selon l'association américaine, Google s'est plié à la pression du gouvernement en lançant un moteur de recherche censuré alors que la version chinoise de Skype est configurée pour que les mots comme «Falungong», «indépendance de Taïwan» ou «droits de l'Homme» soient effacés des forums Internet sans en informer les internautes.

Une porte-parole de Google, qui détient environ 25% du marché chinois, soit près de 100 millions d'utilisateurs, n'a pas répondu à l'invitation des organisateurs. Mais le moteur s'est déjà expliqué sur la question, affirmant qu'il se pliait aux lois chinoises, comme il le fait en Allemagne ou en France.

«Je trouve que l'argument selon lequel "nous ne faisons que nous plier aux règles" est pathétique», a répondu Mme Schaefter.

«Nous ne savons pas ce qu'a demandé le gouvernement chinois à ces sociétés pour qu'elles s'implantent, cela reste un secret. Mais je pense que chacun peut décider de ce qui tient de l'éthique», a-t-elle ajouté.

Le président du PEN Club allemand, Johano Strasser, a estimé que la Chine utilisait le même argumentaire que les pays censurant ou tentant d'intimider ceux qui veulent exercer leur droit à la libre expression.

«Une société a besoin de ce système de "premier signal d'alarme" que l'on retrouve dans les contestations des citoyens de base. Si vous les empêchez de circuler, vous nuisez à la société sur le long-terme», a expliqué le président de l'association des écrivains allemands.

La Chine a plus que doublé la surface de ses stands à la Foire du livre de Francfort, dont elle sera l'invitée d'honneur en 2009.