Le Congrès américain est plongé dans un débat à plusieurs millions de dollars sur l'opportunité d'instaurer ou pas des péages sur les autoroutes de l'information, opposant les grands de l'internet comme Google et Microsoft aux opérateurs des réseaux.

Le Congrès américain est plongé dans un débat à plusieurs millions de dollars sur l'opportunité d'instaurer ou pas des péages sur les autoroutes de l'information, opposant les grands de l'internet comme Google et Microsoft aux opérateurs des réseaux.

En jeu: rien moins que la liberté de l'internaute, disent les premiers, attachés à ce qu'ils appellent «la neutralité de l'Internet» - soit un trafic sans péages sur la toile.

Gare à ne pas étouffer le progrès, s'inquiètent les seconds, qui crient «pas touche à l'Internet» pour mieux pouvoir offrir des services diversifiés.

Les grands des télécoms et du câble, comme Verizon, ATT ou Comcast, militent pour pouvoir faire payer les sites internet, selon la largeur de bande qu'ils utilisent.

«Ce serait la première fois que le contenu (de l'Internet) serait dicté par les propriétaires de réseaux», s'inquiète la sénatrice républicaine Olympia Snowe, déterminée à «préserver l'Internet tel que nous le connaissons».

Selon Mme Snowe, si le Congrès n'y prend garde, l'offre de services Internet va finir par ressembler à l'offre de télévision par câble, où les opérateurs décident eux-mêmes du contenu des bouquets correspondant à chaque niveau d'abonnement.

Mme Snowe, qui défend la «neutralité de l'Internet», est soutenue par les grands de l'Internet, comme Google, eBay ou Amazon, qui tous se sentent visés par les projets de collaborateurs.

«Certains se demanderont mais "pourquoi est-ce que Google ne paierait pas?" Il est vrai que Google (...) pourrait sans doute payer, mais ce n'est pas la question. La question, c'est est-ce que Larry Page et Sergueï Brin (les fondateurs de Google, ndlr) auraient pu payer vers 1998, est-ce que le chef de Yahoo! Jerry Yang aurait pu payer un géant de la bande large vers 1995, est-ce que le fondateur de Netscape Marc Andreessen aurait pu payer quoi que ce soit à qui que ce soit vers 1994?», faisait aussi valoir récemment le représentant démocrate Ed Markey.

Pour préserver l'égalitarisme en vigueur sur la Toile, M. Markey voudrait que la loi stipule que «tout fournisseur d'accès à bande large a le devoir de ne pas bloquer, gêner, dégrader, discriminer ou interférer avec la capacité de chacun à utiliser un accès à bande large pour accéder, utiliser, envoyer, recevoir ou proposer des contenus (..) sur Internet».

Mme Snow et M. Markey sont soutenus notamment par des groupes de pression utilisant l'internet comme principal moyen de communication, au premier rang desquels plusieurs organisations de la droite religieuse.

En face, les grands des télécoms, appuyés par des associations de consommateurs et certains milieux économiques, expliquent qu'ils veulent offrir l'équivalent d'autoroutes à plusieurs voies, certains axes étant réservés à certains types d'utilisateurs --publics ou privés-- pour éviter les phénomènes d'engorgement.

Une telle offre suppose de coûteux travaux de modernisation, réalisables uniquement s'ils en retirent un bénéfice financier, assurent-ils, en dénonçant des adversaires décidés à imposer «une seule voie pour tout le trafic», et ne laissant «aucune place à l'innovation».

Après des mois de discussions entre cabinets de lobbyistes et parlementaires, le débat a débarqué au Congrès, saisi d'une réforme globale des télécommunications.

Mais la Chambre des représentants a refusé de trancher sur «la neutralité du Net» au début du mois, et le Sénat semble lui aussi réticent.

«S'il y a des activités anticoncurrentielles, la bataille ira devant les tribunaux», a déclaré récemment le sénateur républicain Ted Stevens, président de la commission du Commerce, sceptique sur la nécessité de légiférer.

La réforme des télécommunications devrait être adoptée cette semaine en commission du Sénat, avec ou sans amendement sur l'Internet. Un débat en séance plénière pourrait intervenir le mois prochain.