Le temps où les rédacteurs en chef pouvaient se concentrer sur le journal imprimé est révolu. Non seulement les techniques ont changé avec l'Internet et les blogues, mais l'émergence d'un «journalisme citoyen» révolutionne la profession et les mentalités.

Le temps où les rédacteurs en chef pouvaient se concentrer sur le journal imprimé est révolu. Non seulement les techniques ont changé avec l'Internet et les blogues, mais l'émergence d'un «journalisme citoyen» révolutionne la profession et les mentalités.

Ce constat d'un monde de la presse en révolution a été établi tout au long du 59e Congrès mondial des journaux qui s'achevait mercredi à Moscou.

Le rédacteur en chef d'un nouveau type, non seulement devra être très pointu en technologie, mais «avec l'avènement du journalisme citoyen ou du média citoyen», devra «également intégrer le défi de publier des articles soumis par ses lecteurs», estime le spécialiste Mark Glaser (PBS.org), dans le rapport «Tendances dans les salles de rédaction 2006», présenté par le WEF (World Editors Forum, Forum mondial des rédacteurs en chef).

Deux étapes sont importantes dans cet avènement: en 2004, blogues, vidéos, photos d'amateurs ont témoigné du tsunami en Asie pour le monde entier. Mais c'est surtout avec les attentats terroristes de Londres en 2005 que «le journalisme citoyen a fait surface», avec les photos prises grâce aux téléphones portables qui ont fait le tour du monde, analyse Dan Gilmor, célèbre auteur du livre «We the Media» et pionnier des blogues.

En 2006, le New Orleans Times-Picanuye a utilisé massivement blogues et forums de discussions avec la population pendant et après l'ouragan Katrina.

Dans des journaux comme le News & Observer (Caroline du Nord, Etats-Unis) et le Ventura County Star (Californie), le «citizen media editor (rédacteur en chef de média citoyen) est devenu un métier à part entière».

«Finalement, c'est un nouvel état d'esprit qui est requis à l'âge numérique» poursuit M. Glaser. «L'ancienne mentalité des rédacteurs en chef parlant avec condescendance aux lecteurs n'est plus possible. On doit traiter les lecteurs sur un pied d'égalité».

Ce lien avec les lecteurs est illustré par le quotidien Bluffton today en Caroline du Sud), une expérience de «journalisme citoyen», avec un niveau de contenu «hyperlocal», a expliqué lors du congrès Steve Yelvington, vice-président du contenu et de la stratégie du groupe Morris.

Le site web travaille en étroite coordination avec les lecteurs. La population envoie commentaires, photos et même recettes de cuisine.

«Nous, journalistes, étions les gardiens de la vérité» dit M. Yelvington. «Maintenant, nous devons être là pour animer, donner la parole. Nous pouvons guider, en aucun cas contrôler».

«Nous ne demandons pas aux gens de couvrir les événements, de remplacer le journaliste, mais de partager les opinions, d'échanger», dit-il.

Autre exemple, le quotidien espagnol El Correo (groupe Vocento, 124 000 exemplaires, 600 000 lecteurs), leader dans la région basque, présenté dans le rapport 2006 «Innovations dans les journaux» pour l'Association mondiale des Journaux. El Correo offre notamment deux pages quotidiennes à ses lecteurs qui par plusieurs canaux, de la simple lettre au site internet, peuvent envoyer textes, photos personnelles, questions en vue d'une interview, commentaires, souvenirs d'une personne chère, blagues, etc. En mars, il y a eu 5 200 contributions. Six journalistes se consacrent à cette activité.

La proximité est le maître mot. «Il faut absolument se recentrer sur sa communauté. Les journaux ont pris une distance trop grande par rapport aux lecteurs et au monde réel», insiste Bertrand Pecquerie, directeur du Forum mondial.