Disons qu'il s'agit d'un militantisme nouveau genre. Un fana de basket montréalais fait circuler ces jours-ci une pétition sur Internet. Sa cause? Il revendique la commercialisation des souliers que portait Marty Mc Fly dans Back to the Future II, il y a de cela 17 ans.

Disons qu'il s'agit d'un militantisme nouveau genre. Un fana de basket montréalais fait circuler ces jours-ci une pétition sur Internet. Sa cause? Il revendique la commercialisation des souliers que portait Marty Mc Fly dans Back to the Future II, il y a de cela 17 ans.

La pétition s'adresse directement à Nike, qui avait conçu la paire originale. Elle circule depuis quelques mois et a déjà récolté plus de 17 000 signatures (17 773 en date d'hier après-midi), issues des quatre coins de la planète. Des amateurs canadiens, américains, mais aussi brésiliens, espagnols, australiens et hongrois. Même des employés de Nike l'ont signée.

Si la pétition fait jaser sur la blogosphère depuis des mois déjà, elle ne vient que récemment d'arriver aux oreilles des médias traditionnels, notamment du Washington Post et de Maclean's.

Il faut dire qu'il s'agit d'une requête pour le moins inusitée. Mais son instigateur, lui, ne manque pas de motivation. «Les chaussures de Rocky (des Converse Chuck Tailers) ont été mises en marché. Celles de Uma Turman dans Kill Bill (des Asics Onitsuka Tiger Tai Chi), sont disponibles, de Forest Gump (des Nike Cortez) ou du Flic de Beverly Hills (Adidas) aussi», dit celui qui se fait appeler Al Cabino.

De qui s'agit-il? On comprend que c'est un grand amateur de baskets. Et le mot est faible. «Le pape Jean-Paul II portait des Reebok classiques», glisse-t-il au cours de l'entrevue téléphonique. Il a aussi un fabuleux sens du marketing. Il refuse toute entrevue en personne. «J'ai cultivé une sorte de mystique. Je suis quelqu'un d'extrêmement mystérieux, parce que je veux que l'attention soit portée sur la campagne», explique-t-il au bout du fil.

Un brin diva, faussement modeste, il ne veut rien révéler de son identité. «Je suis un gars ordinaire», répète-t-il souvent. Tout au plus sait-on qu'il est dans la vingtaine, travaille dans l'industrie des baskets (mais pas pour Nike, tient-il à préciser), au niveau créatif. À titre d'exemple, il a déjà créé une basket en chocolat, à partir d'un moule conçu pour l'occasion, en Suisse. L'«oeuvre» s'est retrouvée exposée dans la chic et branchée boutique Colette, à Paris. Vous voyez un peu le personnage.

«J'aime les films et j'aime les baskets, poursuit-il. Cette paire est vraiment spéciale, parce qu'elle a été créée spécialement pour un film, une seule personne l'a portée et elle n'a jamais été commercialisée.»

Jean-François Ouellet, professeur de marketing aux HEC, trouve l'initiative bien intéressante. «Je trouve ça très positif de voir une initiative comme celle-là, dit-il. Si j'étais Nike, je sauterais là-dessus.»

Impossible d'avoir l'avis de Nike sur la question. Le porte-parole n'a jamais rappelé La Presse hier.

Une initiative qui risque de faire des petits

Pourquoi commercialiser une paire de souliers somme toute assez difficiles à porter (trop futuristes, voire carrément affreux, selon les points de vue) et destinée à un petit public de fans? «Ce ne serait pas tant pour les revenus de cette vente que pour la visibilité qu'entraînerait le produit pour Nike, répond le professeur. Cela indiquerait que la marque est à l'écoute de ses consommateurs.»

Selon lui, l'initiative risque de faire des petits. «Le canal Internet fournit un lieu d'expression nouveau et facile d'accès pour les consommateurs. On peut s'attendre à ce que les entreprises capitalisent là-dessus.»

Ce qui est vraiment nouveau dans cette affaire, c'est le ton. Alors que les consommateurs ratent rarement l'occasion de se plaindre d'une marque, voilà que quelqu'un affiche ici son amour et son souhait de voir un produit arriver sur le marché. «On a tendance à voir les entreprises comme des ennemis, note-t-il. J'espère que cela donnera des idées à d'autres. Parce que les entreprises ne demandent que ça.»

Le professeur cite à cet effet les mésaventures de Apple avec son iPod. «Toutes sortes de commentaires ont été exprimés sur les blogues, et cela a forcé Apple à repenser son produit.» On a notamment corrigé l'écran, permis à la batterie de se remplacer, etc.

Pour les suggestions, désirs et idées novatrices, de manière générale, ce sont les entreprises qui prennent l'initiative de sonder les consommateurs par l'intermédiaire de groupes de discussions. C'est ainsi que Volkswagen a ajouté un compartiment pour les parapluies dans sa nouvelle Passat, illustre l'expert en marketing.

Aujourd'hui, Internet canalise une foule de critiques et d'idées originales, toutes à portée de main. «Les blogues et les forums de discussion servent d'exutoires aux consommateurs. Ils se plaignent et font part de leurs trouvailles, dit-il. Une vraie manne d'idées pour les entreprises. Encore une fois, si j'étais Nike, je sauterais là-dessus.»