Les enfants l'ignorent, mais le père Noël a failli déclarer forfait il y a 10 ans.

Enfin, d'une certaine façon. À peine naissante et victime de son succès foudroyant, l'application québécoise Père Noël Portable aurait pu disparaître. Elle est plutôt devenue un bel exemple de ce concept un peu flou mais de plus en plus présent, l'infonuagique pour les entreprises.

Le Père Noël Portable (PNP pour les intimes) fêtera cette année ses 200 millions de vidéos personnalisées envoyées partout dans le monde en français, anglais, italien et espagnol. Pas moins de 95 % des petits destinataires sont à l'extérieur du Québec, essentiellement aux États-Unis, en Amérique latine et en France.

« En 2008, quand on a démarré ça, on n'avait pas idée du succès ; on pensait que si on faisait 50 000 vidéos, ça allait être malade. On a fini la saison avec un million de vidéos, les serveurs ont crashé, notre système n'était pas assez costaud. »

- Alex Bérard, fondateur et PDG de UGroupMedia, l'entreprise derrière le PNP

POINTE HIVERNALE

Même cafouillage en 2009, malgré des équipements informatiques renouvelés. C'est alors que s'est imposé le saut vers l'infonuagique, et qu'on a choisi Amazon Web Service, le seul service d'envergure bien implanté à l'époque. Microsoft, Google, IBM et Alibaba se sont depuis lancés dans ce marché lucratif estimé à 23 milliards pour le troisième trimestre de 2018. Amazon demeure en tête, avec 34 % des parts de marché.

PNP est l'exemple de l'utilisation optimale de l'infonuagique d'entreprise, ce concept mystérieux pour le commun des mortels. Relativement calme 10 mois par année, le service doit générer rapidement des millions de vidéos personnalisées à l'approche des Fêtes, en y intégrant notamment les photos des enfants, les informations fournies par les parents et, plus récemment, les appels téléphoniques surprises. Entretenir des dizaines, voire des centaines, de serveurs à longueur d'année serait ruineux.

« On n'a pas besoin d'une grosse équipe à l'année, mais un 24 décembre, on peut monter jusqu'à 400 serveurs, précise M. Bérard. On n'est pas énormes, mais on doit subvenir à un trafic mondial assez intense. »

ENCHÈRES PAS CHÈRES

Les serveurs sont loués au besoin, à des tarifs variant notamment selon leur puissance et la bande passante utilisée. Le prix de base va jusqu'à 36 cents l'heure. Fait intéressant, il s'est développé tout un marché de la revente aux enchères des minutes inutilisées. Père Noël Portable en profite au maximum.

« C'est un truc assez brillant : la portion inutilisée est offerte au rabais, on paie en général moitié prix, indique le PDG. Nos gars ont conçu des algorithmes pour repérer ces rabais, ce qui fait que ce sont ces tarifs réduits que nous utilisons en majorité. »

Cette gestion serrée est vitale pour un service gratuit pour l'écrasante majorité de ses utilisateurs, et qui a laissé tomber la publicité. « On a essayé il y a quelques années et on n'était pas à l'aise avec ça », précise M. Bérard. Les revenus sont engrangés avec les services premium, qui offrent pour quelques dollars des vidéos plus longues et plus complexes, des appels du père Noël lui-même et la possibilité de superposer les réactions de l'enfant sur la vidéo personnalisée. Au fil des ans, la boutique en ligne s'est enrichie de lutins, de casse-tête et de décorations en tous genres.