Tous les jours, on compte 4 millions de sièges libres pour entrer à Montréal, gracieuseté de l'auto solo. C'est cette mine d'or de possibilités de transport que veut exploiter Netlift, une plateforme québécoise combinant tous les modes de déplacement. La petite entreprise reçoit un coup de pouce important depuis deux semaines, alors qu'Ubisoft Montréal mousse cette application auprès de ses 2800 employés. La Presse a suivi deux d'entre eux.

ROULER LA NUIT

À 6 h du matin dans un coquet quartier résidentiel de Boisbriand, Olivier Régimbald-Brière est devant chez lui. Le développeur en informatique décisionnelle attend sa collègue Sophie Labelle, partie de Mirabel et qu'il a recrutée par l'application Netlift. Il a pu consulter son profil, son évaluation, son trajet et ses horaires. Pour ces deux banlieusards, la voiture est pratiquement incontournable pour se rendre au travail. « Dans l'intermodal, si on n'utilise pas la voiture, on perd beaucoup de temps », note Mme Labelle. Ce matin, selon l'application, elle avait le choix entre trois passagers qui voulaient se rendre dans le Mile End. Les deux collègues s'entendent bien. « Le trafic passe plus vite à deux », dit la conductrice. Et le soir, au retour, ils ont le droit de prendre la voie réservée.

L'AUTO, QUAND IL FAUT

Il fait encore nuit quand le duo arrive aux bureaux d'Ubisoft, vers 6 h 45. « Je prenais les transports en commun avant, ça me prenait une heure et quart et les horaires n'étaient pas du tout flexibles », dit Olivier. Surprise : le passager a droit à un transport gratuit aujourd'hui - aux frais de Netlift - en récompense de sa fidélité. Habituellement, le trajet lui aurait coûté environ 9 $, somme qui aurait été virée directement par l'application et dont Netlift aurait prélevé 15 %. Pour ce trajet, l'application n'a pas retenu d'autre moyen de transport que l'automobile, « parce que c'est la meilleure solution dans leur cas », explique Marc-Antoine Ducas, PDG de Netlift. Sa plateforme, précise-t-il, n'a pas d'états d'âme : elle utilisera tous les moyens de transport disponibles pour que son utilisateur arrive à bon port. « Le transport, c'est un spectre, du cycliste hardcore qui mange bio au gars en Hummer. »

« MATCH PARFAIT »

Lancée en 2012 et offerte depuis mai 2014 pour les téléphones intelligents, Netlift a atteint cet automne une masse critique de quelque 8000 utilisateurs, selon Marc-Antoine Ducas. Depuis deux semaines, elle est entrée dans une nouvelle phase d'expérimentation avec l'entrée en scène des employés d'Ubisoft. Le studio montréalais a pris Netlift sous son aile dans le cadre d'InnoBahn, une initiative lancée en avril dernier par la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Le problème d'Ubisoft : dans un quartier densément peuplé, entre 700 et 1000 voitures d'employés convergent tous les jours vers ses bureaux, notamment autour de la rue Saint-Dominique et du boulevard Saint-Laurent. « On réfléchissait à une solution et là est arrivée Netlift, dit Jean-Philippe Grou, directeur des communications chez Ubisoft. C'était le match parfait. » On espère recruter 250 employés du studio pour ce projet-pilote ; une centaine ont déjà embarqué.

INTIMITÉ C. FRUSTRATION

Netlift tente de réussir là où « pratiquement toutes les applications de covoiturage ont échoué », explique Marc-Antoine Ducas, en se définissant comme un « réseau capillaire », une extension des transports en commun.

« L'automobile est l'avenir des transports en commun. » - Marc-André Ducas, PDG de Netlift

En arrimant le covoiturage aux transports en commun et en permettant des correspondances, on résout un problème fondamental : « À peine 0,4 % des gens qui travaillent ensemble vivent dans le même code postal, dit M. Ducas. Il faut en plus que leurs horaires soient identiques et qu'ils soient disposés. Tous ces éléments-là, on les a réglés un par un. » La fameuse bulle de l'automobiliste, qui explique que cinq véhicules sur six ne transportent qu'une seule personne à Montréal, est elle-même en train de disparaître, estime-t-il. « Le moment de break, d'intimité est en train de devenir un moment de frustration à cause des bouchons. »