La firme chinoise Kunlun Tech, spécialiste des jeux en ligne, a pris une participation majoritaire dans l'application de rencontres pour homosexuels Grindr, ont annoncé mardi les deux parties, alors même que l'homosexualité reste l'objet en Chine d'une très forte pression sociale.

Grindr, qui se qualifie volontiers de «plus grand réseau mondial de rencontres pour hommes homosexuels», revendique des millions d'utilisateurs pour son application de mise en relation, basée notamment sur la localisation.

Fondé en 2009, Grindr a été un pionnier de la technologie permettant de se localiser par l'intermédiaire de son smartphone, pour trouver des partenaires potentiels en fonction de leur profil mais également de leur proximité géographique. Ce modèle a ensuite été copié par nombre d'autres sites de rencontres comme, par exemple, Tinder.

Dans un message posté sur son blogue, le PDG et fondateur de Grindr, Joel Simkhai, a indiqué que sa société «avait accepté de voir Kunlun Tech prendre une participation majoritaire» et que cette opération «représentait une énorme marque de confiance dans (sa) vision de connecter encore davantage les hommes homosexuels au monde qui les entoure».

Kunlun Tech --l'un des plus importants créateurs et opérateurs de jeux en ligne en Chine-- a ultérieurement confirmé qu'il prenait une participation de 60% dans Grindr pour 93 millions de dollars, valorisant donc la firme californienne à quelque 155 millions de dollars.

Si Grindr est déjà bien implanté en Chine, Kunlun Tech a suggéré qu'il était autant intéressé par sa spécialisation (les rencontres homosexuelles) que par ses innovantes technologies de réseautage.

«Cet investissement dans un réseau social spécialisé améliorera encore davantage le profil stratégique de l'entreprise sur le marché internet mondial», a-t-il assuré dans un communiqué.

En retour, son expérience dans la gestion de jeux et autres produits en ligne pourrait contribuer à faire mieux prospérer les affaires de Grindr, a-t-il promis.

L'annonce a visiblement séduit le marché: le titre de Kunlun Tech s'est envolé mardi de 10% à la Bourse chinoise de Shenzhen, la limite maximale autorisée.

Il s'agit de la première prise de participation d'un investisseur extérieur dans Grindr --qui affirme être désormais présent dans 196 pays et recevoir environ deux millions de visites par jour, pour un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 32 millions de dollars.

La Chine figure parmi les 10 pays et territoires où son application est la plus «active». Pourtant, il doit y affronter une rude concurrence face à des rivaux étrangers (Jack'd), mais surtout à de très populaires applications chinoises comme Blued et Zank, toutes utilisant des interfaces fort similaires.

Créé par un ancien policier, Blued assure que son application a été téléchargée par 17 millions d'usagers en Chine continentale et par 5 millions à l'étranger. La firme a déjà convaincu aux États-Unis des investisseurs de la Silicon Valley.

Forte de la première population d'internautes au monde (près de 670 millions de personnes), la Chine représente un marché crucial et une source de croissance considérable pour ces applications, en dépit des pressions qu'y subissent toujours les homosexuels.

Pékin a dépénalisé l'homosexualité en 1997 et l'a retirée de sa liste des maladies mentales en 2001, mais les gays et lesbiennes chinois font encore l'objet d'une très forte pression familiale et sociale, et les contenus liés à l'homosexualité sont régulièrement censurés sur l'internet local.

Si les bars et autres lieux de socialisation gais sont très prisés dans les grandes villes, ils demeurent rares, et beaucoup de jeunes homosexuels préfèrent la discrétion et le caractère pratique des applications de smartphones.

Kunlun Tech a indiqué qu'il nommerait trois des cinq membres du conseil d'administration de Grindr, parmi lesquels figurera son président, le milliardaire Zhou Yahui.

Le bond enregistré mardi par son action a gonflé la capitalisation de Kunlun Tech à 1,13 milliard de yuans.