Quand un gros incendie a ravagé plusieurs bâtiments en plein coeur de New York jeudi, une toute nouvelle application de partage de vidéos en direct pour téléphones intelligents a permis, à qui voulait, de suivre en temps réel l'évolution du sinistre.

Le hasard a voulu que cet accident en plein coeur de Manhattan intervienne le jour même de la sortie de cette application, Periscope, et l'incendie a tout de suite permis de mettre en avant les possibilités de ce nouvel outil.

Les nouveaux Periscope et son concurrent Meerkat permettent en effet de filmer avec son téléphone intelligent et de partager en direct ses images avec tous ses abonnés Twitter par exemple, qui peuvent regarder ce que vous voyez presque comme à la télévision.

Ces applications, qui permettent à tout le monde de devenir une sorte de journaliste reporter d'images (JRI), vont probablement rapidement devenir de précieux outils pour les chaînes d'informations en continu.

«Elles vont offrir un grand avantage aux citoyens journalistes», estime Jeff Howe, professeur à la Northeastern University, spécialisée dans l'innovation dans les médias.

M. Howe rappelle que des précurseurs de partage de vidéo comme Bambuser ont aidé à diffuser des informations durant le Printemps arabe ou parmi les militants des mouvements Occupy, mais il voit un partage «plus en temps réel» avec Periscope ou Meerkat.

Dan Gillmor, professeur de journalisme à l'Université d'Arizona, voit lui aussi dans ces applications faciles à utiliser un nouvel outil pour les journalistes citoyens.

«Quand quelque chose d'important se produit à un endroit inattendu, il y a peu de chances qu'un journaliste avec un appareil photo ou une caméra se trouve sur place. Mais il y a presque 100 % de chances qu'une personne lambda soit présente», note M. Gillmor, également auteur d'un livre sur le journalisme citoyen.

«Au premier rang»

L'incendie à New York a été le parfait exemple de ce nouveau potentiel pour tout un chacun de devenir reporter télé d'un jour, a encore souligné M. Gillmor, envisageant même des situations encore plus extrêmes.

«Imaginez que vous ayez des images en temps réel de quelqu'un assis au premier rang de l'avion de Germanwings qui s'est écrasé dans les Alpes, qui nous montreraient le commandant de bord en train d'essayer d'enfoncer la porte pour revenir dans le cockpit. Nous aurions des images beaucoup plus crues et assez effrayantes qui nous permettraient de mieux comprendre ce qui s'est produit», reprend-il.

Même si le partage de vidéos en direct existe depuis plusieurs années, l'explosion des téléphones intelligents, la qualité toujours meilleure des réseaux de téléphonie et l'intégration à Twitter vont rendre ces outils plus pertinents, estiment de nombreux analystes.

«Rien ne remplace la vidéo en direct pour mettre les gens en situation pour ce qui est des ''breaking news''», lance ainsi Josh Stearns, qui suit l'évolution du journalisme citoyen à la Fondation Geraldine R. Dodge.

En outre, ces applications offrent «une connexion plus intime» parce que «les gens peuvent interagir, poser des questions, obtenir des angles de vue différents. Ils ne regardent pas passivement».

Meerkat, lancé en février, et Periscope, sorti jeudi, permettent le partage d'images en direct, mais seule la deuxième application permet de les archiver pour les réutiliser plus tard.

La question clé est de savoir si l'expansion de vidéos faites avec des téléphones intelligents et partagées en direct va permettre d'illustrer différemment des événements comme des fusillades avec la police aux États-Unis ou des situations d'abus des droits de l'homme dans des pays totalitaires.

Jeff Howe estime par exemple que «cela aurait été utile d'avoir des images à Ferguson», où le jeune noir Michael Brown a été tué par un policier blanc l'été dernier, déclenchant un vaste mouvement de protestation et des émeutes raciales.

Pour M. Howe, ces applications permettront forcément de mettre au jour davantage d'abus, «parce que cela va devenir plus difficile d'éteindre le flux d'informations».