Enfermés pendant plusieurs jours, derrière leurs écrans, des dizaines de développeurs informatiques sont en compétition pour concevoir des applications mobiles, des jeux ou des services: le hackathon se démocratise en France, où entreprises et institutions font de plus en plus appel à ce format.

Dans un grand bureau de type loft à Montreuil, près de Paris, des écrans d'ordinateur et des câbles internet attendent les participants au Hackathon Dataculture, qui débute vendredi soir.

Ce premier hackathon - de «hack» (manipuler, en anglais) et «marathon»- organisé par le ministère de la Culture doit donner naissance à des applications mobiles, des jeux pédagogiques (dits «serious games»), des web docs ou des systèmes innovants de visualisation de données à partir des chiffres et statistiques publiques culturelles.

L'objectif? «Favoriser la transmission culturelle à l'ère numérique», selon le ministère de la Culture qui met à disposition statistiques de fréquentation, coordonnées GPS des monuments ou notices d'oeuvres.

«Il n'y a pas de limite, si ce n'est votre imagination», a lancé aux «hackathoniens» Aurélie Filippetti en donnant le top départ.

Estelle, finaliste du dernier hackathon organisé par la RATP, est une habituée de ces événements, où elle dit avoir connu les garages non chauffés et les sacs de couchage à peine utilisés.

«Souvent, tu ne sors pas le sac de couchage parce que tu te mets la tronche dans le truc et tu décolles pas de là», explique-t-elle en désignant son écran. Estelle veut créer «Coach me in», une application pour téléphones intelligents et tablettes qui permettrait aux touristes de générer un parcours de visite à Paris à partir des horaires de bus et de la localisation des points d'intérêt.

À travers ce hackathon, le gouvernement veut s'inscrire dans le mouvement mondial, initié depuis des années, de l'Open data visant à rendre en libre-accès le maximum de données publiques et gratuites.

Sortir du cadre

Avant les institutions et les gouvernements, les entreprises se sont converties au hackathon. Traditionnellement, ces dernières faisaient appel à des prestataires extérieurs pour développer ou concevoir des nouveaux produits mais, dans certains cas, le résultat était jugé trop conventionnel et pas assez inventif ou en rupture avec l'existant.

Entre faire intervenir une entreprise extérieure et organiser un hackathon, «ça n'a rien à voir», estime d'ailleurs Xavier Caïtucoli, PDG de Direct Energie, qui organise son premier hackathon fin novembre sur le thème de la maison connectée, avec 15 000 euros de dotation à la clé.

«Si on fait appel à un prestataire extérieur, il faut un cahier des charges, une définition de besoin. Tandis que là, les plus expérimentés auront 27 ans, c'est-à-dire la fourchette basse de ce que l'on trouve dans les entreprises. Ce qu'on leur demande, c'est de sortir du cadre et d'imaginer des nouveaux usages», déclare-t-il à l'AFP.

Les entreprises organisent également des hackathons en interne pour mettre en concurrence ses ingénieurs et programmateurs informatiques. «Le briefing, ça tue la créativité», estime à ce propos un salarié d'un réseau social.

Le bouton «j'aime» («like» en anglais, NDLR) et le «fil d'actualité» (timeline) de Facebook sont d'ailleurs nés au cours d'un hackathon interne au réseau social qui en organise régulièrement.

Les hackathons, considérés comme des accélérateurs d'innovation en faisant appel à l'intelligence collective, reposent sur des principes chers à l'esprit des start-up: le travail collaboratif et la mentalité «bidouille» du web où souvent une réussite cache une multitude d'échecs.

Si certaines entreprises profitent de ces dispositifs pour exploiter des jeunes ou piller des idées, Christophe Romei, expert des nouvelles technologies qui a organisé des hackathons pour Auchan, La Poste, Casino ou Allo Ciné, leur conseille au contraire d'accompagner les développeurs et le projet pour respecter l'esprit des hackathons.