Même si nous n'avons jamais aussi été connectés dans l'histoire de l'humanité, nos téléphones pourraient contribuer à un sentiment de solitude et d'isolement, qui prend de l'ampleur dans notre société.

C'est ce qu'ont avancé la journaliste Dawn Fallik et la directrice du laboratoire de neurosciences sociales de l'université Brigham Young, Julianne Holt-Lunstad, lors d'une conférence dans le cadre du festival SXSW à Austin au Texas.

D'après un rapport de mai 2018 par la firme de santé Cigna en collaboration avec la firme de recherche Ipsos, les jeunes âgés entre 18 et 22 ans seraient parmi les gens qui se sentent les plus isolés et seuls.

Bien que la corrélation entre l'utilisation fréquente des cellulaires et la hausse du nombre de gens éprouvant des sentiments de solitude ou d'isolement n'est pas clairement définie, les deux chercheuses suggèrent qu'il y a de fortes preuves que nos nouvelles méthodes de communications puissent affecter notre sentiment d'appartenance à un groupe.

Mme Fallik, qui a entrepris des recherches sur les cas de solitude et l'isolement de la génération Z (environ 18 à 22 ans), affirme qu'une grande partie des gens à qui elle a parlé avaient plusieurs traits en commun : ils ont établi moins de connexions fortes depuis leur jeunesse, ont moins l'habitude d'entretenir de petites discussions banales et ont aussi moins de contacts face à face avec leurs proches ou des étrangers.

Certains disaient même préférer les conversations par textos, car ils sont en mesure d'éditer leurs messages et de travailler l'image qu'ils projettent.

« Ne pas pouvoir percevoir le ton d'une personne pose un grand défi dans nos communications en ligne, affirme Mme Fallik. Nous n'entendons pas le sarcasme, nous n'entendons pas la tristesse et le tout devient très difficile à interpréter. Nos corps, en revanche, réagissent à ces interprétations. »

Des contacts réels qui protègent la santé

Pendant ses recherches, Mme Holt-Lunstad a épluché les résultats de plus d'une centaine d'études sur la solitude et l'isolement. Elle affirme que les gens qui maintiennent des vies sociales saines démontrent en moyenne une réduction des risques de mort prématurée de 50 %.

En fait, elle suggère même que les gens qui se retrouvent seuls pour de longues périodes de temps sont plus à risque de développer des maladies chroniques ou inflammatoires, qui pourraient s'avérer graves.

« Il y a beaucoup de preuves qui suggèrent que plusieurs parties de nos cerveaux sont associées au sentiment de menace et que ces parties s'agitent quand nous nous retrouvons seuls ou en compagnie de personnes envers qui nous avons un manque de confiance » dit-elle.

Un manque de vie sociale ou de fraternisation positive, ajoute-t-elle, peut donc, dans des cas chroniques, mener à de sérieux ennuis de santé.

Elle affirme que les relations positives que nous maintenons dans nos vies sont source d'information bénéfiques et qu'elles peuvent aussi nous aider à surmonter des moments difficiles, voir même changer la perspective que nous ayons de notre environnement.

« Plusieurs recherches démontrent que les distances peuvent paraître plus longues quand nous sommes seuls que lorsque nous sommes en compagnie de quelqu'un. Des collines peuvent paraître plus à pic. Notre environnement nous semble plus difficile à surmonter quand nous sommes seuls » affirme Mme Holt-Lunstad.

De toute évidence, nos modes de communications modernes ne feront pas marche arrière. Néanmoins, les deux chercheuses suggèrent que nous devrions chercher à se réhabituer aux « microconnexions », ces petites conversations ludiques ou banales qui ponctuaient autrefois les moments passés à l'arrêt d'autobus ou dans les salles d'attente.

« Ce n'est pas toujours évident», dit Mme Fallik « mais vous vous en sortirez gagnants. »