Hydro-Québec sollicitée pour fournir de l'électricité au rabais à une centaine de projets de « mines de cryptomonnaies », des hommes d'affaires ligotés et aspergés d'eau de Javel pendant qu'ils se font voler leur équipement de « minage » près de Québec. En quoi consiste donc ce fameux « minage de cryptomonnaies », cette mystérieuse activité informatique énergivore qui fait tant saliver les spéculateurs partout dans le monde ? Explication en quatre temps.

LES CRYPTOMONNAIES

Imaginées par un certain Satoshi Nakamoto en 2008, les cryptomonnaies sont des devises virtuelles conçues dans le but de permettre des échanges de valeurs d'un ordinateur à l'autre sans qu'une tierce partie comme une banque joue le rôle d'arbitre garantissant l'intégrité de la transaction. L'inviolabilité des échanges est plutôt assurée par un réseau d'ordinateurs qui se partagent les détails de toutes les transactions. Ces ordinateurs confirment des « blocs » de transactions en établissant un « consensus » par un procédé mathématique énergivore, pour lequel les ordinateurs participants sont récompensés pour leur travail. Mis les uns au bout des autres, ces « blocs » forment la chaîne de blocs, ou blockchain, qui est en fait un grand livre public des transactions. On compte actuellement plus de 1000 cryptomonnaies différentes, qui ont été inventées afin de rendre caduc le contrôle des monnaies par les banques centrales, mais le bitcoin est de loin la plus populaire de toutes.

LE « CONSENSUS »

Avec la popularité grandissante du bitcoin comme devise spéculative, des dizaines de milliers d'ordinateurs partout dans le monde participent à l'établissement de ce consensus. Pour y arriver, ils compilent toutes les 10 minutes l'ensemble des dernières transactions réalisées par les propriétaires de cryptomonnaies et leur appliquent un calcul mathématique - sorte de puzzle appelé fonction cryptographique - qui nécessite des milliards de tentatives aléatoires avant d'être résolu par un ordinateur. Le premier ordinateur à trouver la réponse au puzzle obtient une récompense de 12,5 bitcoins, soit l'équivalent à l'heure actuelle de près de 145 000 $CAN sur les sites d'échange spécialisés. Chaque jour, ce sont près de 16 millions qui sont en jeu. L'ensemble des ordinateurs participant au réseau sont en mesure de vérifier très rapidement si la solution trouvée par l'ordinateur gagnant est la bonne. Pour augmenter leurs chances d'obtenir une récompense, les mineurs se regroupent généralement en pool, dont les participants partagent les profits.

POURQUOI LE « MINAGE » ?

Satoshi Nakamoto, dont l'identité réelle demeure inconnue, a décidé à dessein d'utiliser l'analogie du forage minier dans le développement du bitcoin. À l'image d'un mineur d'or qui fait des efforts considérables pour sortir une pépite des profondeurs de la terre, le protocole bitcoin force les participants à faire une dépense considérable d'énergie pour confirmer les transactions. Il devient alors impossible pour des voleurs de déconstruire le consensus établi par le réseau autrement qu'en acquérant 50 % + 1 de sa puissance totale de calcul, ce qui représenterait une fortune.

L'ÉQUIPEMENT

Les individus qui participent à ce mécanisme - qu'on appelle les « mineurs de cryptomonnaies » - le font souvent en installant en série plusieurs cartes graphiques servant à produire des images en 3D dans les jeux vidéo. Ces appareils spécialisés dans les calculs cryptographiques sont capables de réaliser des millions d'essais par seconde. Cette puissance a cependant un coût, puisque chaque tentative pour résoudre le puzzle grignote quelques joules d'électricité et produit de la chaleur. Avec son climat froid et son hydroélectricité bon marché, le Québec est donc un endroit de prédilection pour installer de telles mines virtuelles.



PHOTO AKOS STILLER, ARCHIVES BLOOMBERG

L'inviolabilité des échanges de crytomonnaies est assurée par un réseau d'ordinateurs qui se partagent les détails de toutes les transactions.

PHOTO LARS HAGBERG, AGENCE FRANCE-PRESSE

À l'image d'un mineur d'or qui fait des efforts considérables pour sortir une pépite des profondeurs de la terre, le protocole bitcoin force les participants à faire une dépense considérable d'énergie pour confirmer les transactions. Sur la photo : un technicien examine les équipements de l'entreprise Bitfarms, à Saint-Hyacinthe.

ÉNERGIE CONSOMMÉE PAR LE BITCOIN EN UN AN

ESTIMATION BASSE 

23 térawattheures

C'est l'équivalent de la consommation énergétique des Pays-Bas

ESTIMATION ÉLEVÉE 

57 térawattheures

C'est l'équivalent de la consommation énergétique de la Grèce

Sources: Morgan Stanley et Digiconomist

ÉNERGIE CONSOMMÉE POUR CHAQUE TRANSACTION

824 kilowattheures 

C'est quatre fois l'énergie consommée par VISA pour conclure 100 000 transactions.

Source: Digiconomist

16,9 millions

Nombre de bitcoins en circulation

21 millions

Nombre maximum de bitcoins qui seront produits

11 600 $

Prix unitaire 

193 milliards de dollars

Capitalisation totale