Le patron de facto de Samsung, le plus grand conglomérat de Corée du Sud, a été placé en détention provisoire vendredi dans l'enquête sur le vaste scandale de corruption qui a valu à la présidente sud-coréenne Park Geung-Hye d'être destituée.

Vice-président de Samsung Electronics et fils du président du groupe, Lee Jae-Yong, 48 ans, est accusé entre autres d'avoir versé près de 40 millions de dollars de pots-de-vin à la confidente de l'ombre de Mme Park, en contrepartie de faveurs politiques.

Ce rebondissement représente un nouveau coup porté à l'image de marque d'un groupe englué dans ce scandale de corruption et de trafic d'influence qui dure depuis des mois.

« Il est avéré qu'il est nécessaire d'arrêter [M. Lee] à la lumière d'un nouveau chef d'accusation et de nouvelles preuves », a annoncé dans un communiqué un porte-parole du tribunal auquel les enquêteurs chargés de l'affaire avaient demandé de délivrer un mandat d'arrêt.

M. Lee avait déjà été placé dans un centre de détention en attendant la décision de la justice. Il devra y rester en attendant une inculpation et un procès éventuels, processus qui pourrait durer des mois.

Samsung a réagi avec mesure tandis que diverses filiales cédaient du terrain à la Bourse de Séoul. Son navire amiral Samsung Electronics, premier fabricant mondial de téléphones intelligents, a perdu 0,4 %. Sa holding de fait, Samsung C & T, a cédé 2 % tandis que Samsung Life Insurance a reculé de 1,4 %.

« Nous ferons de notre mieux pour que la vérité soit dévoilée lors du processus judiciaire ultérieur », a dit le groupe dans un communiqué.

Fondations douteuses

M. Lee a déjà été interrogé plusieurs fois dans cette affaire. Il y a un mois, il avait échappé de justesse à l'arrestation, la justice ayant estimé que les preuves n'étaient pas assez solides.

Les enquêteurs ont renouvelé leur demande de mandat d'arrêt après avoir mis au jour de nouveaux éléments à charge selon eux. Ils ont expliqué qu'ils souhaitaient l'interroger à nouveau samedi, faisant naître la perspective de le voir apparaître en public menottes aux poignets.

Ce placement en détention envoie une onde de choc dans les rangs du « chaebol » géant, qui pèse un cinquième de l'économie sud-coréenne.

« C'est un coup à court terme pour l'image de marque de Samsung en tant qu'acteur international », a jugé Greg Rog, analyste chez HMC Investment Securities.

Pour Lee Seung-Woo, d'IBK Investment Securities, le groupe pourrait s'abstenir d'effectuer des investissements à long terme comme des fusions à l'étranger ou des acquisitions.

Samsung se remettait déjà à peine de la débâcle du rappel planétaire de son Galaxy Note 7 aux batteries explosives.

Le père et le grand-père de M. Lee ont eu à plusieurs reprises maille à partir avec la justice mais n'ont jamais été emprisonnés.

Le scandale est centré sur l'amie de 40 ans de la présidente, Choi Soon-Sil, soupçonnée d'avoir contraint les grands groupes industriels à « donner » près de 70 millions de dollars à des fondations douteuses sous son contrôle.

Fusion controversée

Samsung est celui qui s'est montré le plus généreux. Il a également versé à Mme Choi des millions d'euros, sous couvert de financer en Allemagne les entraînements sportifs de cavaliers sud-coréens, parmi lesquels la fille de Mme Choi.

Le tribunal a refusé de délivrer un second mandat d'arrêt contre un autre cadre de Samsung, qui dirige également la Fédération équestre de Corée, jugeant son rôle minime.

M. Lee est devenu le patron de facto de Samsung après la crise cardiaque de son père en 2014.

Les enquêteurs cherchent à savoir si les versements de Samsung ont servi à acheter le feu vert du gouvernement à la fusion controversée de deux de ses unités, Cheil Industries et C & T, en 2015.

Cette opération avait été dénoncée avec force par certains actionnaires qui estimaient que C & T avait été délibérément sous-évaluée. Mais la Caisse nationale de retraites, gros actionnaire de Samsung sous tutelle du ministère des Affaires sociales, l'avait soutenue.

L'arrestation de M. Lee est également perçue comme un revers pour la présidente, destituée le 9 décembre par l'Assemblée nationale.

Mme Park est engagée dans une difficile bataille avec la Cour constitutionnelle, qui doit décider de valider ou non sa destitution. La Cour a fait savoir qu'elle aurait terminé ses audiences vendredi prochain et les observateurs s'attendent à une décision aux environs du 10 mars.

En cas de confirmation, une présidentielle anticipée devra se tenir sous 60 jours. Dans le cas contraire, Mme Park récupérerait ses pouvoirs exécutifs et achèverait son mandat comme prévu en février 2018.