Applications, cybercommerce, logiciels... Dans la «Silicon Valley» vietnamienne, start-ups et nouvelles sociétés sont en plein essor, portées par des jeunes formés aux États-Unis, en France, mais aussi dans les universités du pays communiste, jusqu'ici plutôt réputé pour ses usines.

Dix ans après l'installation du géant américain Intel, le Vietnam a gagné un nouveau statut sur la scène technologique mondiale, ce qui n'a pas échappé aux géants du secteur comme Google, qui voit le pays comme l'un de ses principaux marchés dans le futur.

Et aujourd'hui, quand un chef d'État est en voyage officiel, il ne manque pas de venir visiter l'une des nombreuses petites entreprises innovantes dans le domaine.

Comme Barack Obama en mai dernier, François Hollande s'est rendu mercredi à Ho Chi Minh-Ville, l'ex-Saïgon, capitale économique du pays et berceau des nouvelles technologies vietnamiennes.

François Hollande s'est rendu dans les locaux de Linkbynet, société informatique française installée au Vietnam depuis deux ans.

«Le Vietnam compte de très bons techniciens et informaticiens», explique Thuy Bui, directeur général de cette société. «Le pays est jeune et tourné vers ces domaines et les universités vietnamiennes sont en pointe dans ce secteur», ajoute-t-il.

D'après le dernier classement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datant de 2012, le Vietnam se classe en effet devant les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France en mathématiques et en sciences.

Pour Thuy Bui, le pays est aujourd'hui «une bonne alternative à l'Inde, notamment pour les petites structures».

Une grande partie des technologies, comme les applications mobiles ou les logiciels de cybercommerce, sont destinées aux consommateurs locaux dans un pays où l'âge médian est de 30 ans et la connectivité à internet est en pleine expansion.

«Le marché local est grand, jeune, avec une croissance rapide et n'est pas encore saturé», analyse Eddie Thai, responsable de 500 Startups, fonds d'investissement tourné vers les nouvelles technologies.

Pour Eddie Thai, né aux États-Unis de parents vietnamiens ayant fui le régime, le potentiel du Vietnam est évident: le pays compte 90 millions d'habitants, 45 millions d'internautes, 30 millions de personnes avec un téléphone et l'utilisation d'internet a été multipliée par dix en dix ans.

Et le dynamisme du secteur pousse de nombreux Vietnamiens, qui vivent ou ont étudié à l'étranger, à rentrer.

«Après quelques années de travail en France, j'avais envie de rentrer pour participer à la croissance du pays. C'est très stimulant de voir toutes les jeunes entreprises et les nouvelles sociétés», raconte Hau Nguyen, qui travaille pour Officience, société informatique.

Ingénieurs formés à l'étranger

Hau Nguyen a étudié en France, qui reste, hors Asie, la 3e destination derrière les États-Unis et l'Australie pour les étudiants vietnamiens. Au total, 6500 d'entre eux viennent étudier en France chaque année.

Ces jeunes sont un vivier essentiel pour les nouvelles sociétés, très intéressées par cette main-d'oeuvre encore peu chère comparativement à l'Inde, la Chine ou Singapour.

Parallèlement, «le gouvernement investit beaucoup pour promouvoir l'informatique dans les universités vietnamiennes», explique Truong Thi Pham, qui travaille pour Linagora, société française de création de logiciels implantée au Vietnam.

Il n'existe pas de chiffres officiels concernant le secteur mais d'après les médias d'État le chiffre d'affaires du secteur de la haute technologie a atteint 3 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros) l'an passé contre 2 milliards en 2010.

Le gouvernement a par ailleurs tracé une stratégie pour le secteur et a fondé à Ho Chi Minh-Ville le «Vietnam Silicon Valley» en 2013 pour créer un «écosystème pour les innovations et la commercialisation de la technologie».

«Le Vietnam est présent dans le domaine des technologies depuis déjà quelques années. Mais il est maintenant en train de s'élever dans la chaîne de valeur», analyse Romain Caillaud, directeur Asie du Sud-Est pour la société américaine FTI Consulting.

«Le secteur grossit parce que le Vietnam a fait des choix stratégiques judicieux en terme d'avantages fiscaux, d'attractivité pour les investissements étrangers», ajoute ce dernier.

Mais il reste que de nombreux freins existent toujours dans un pays autoritaire au parti unique.

«Le Vietnam a un potentiel technologique caché, mais cela pourrait prendre encore cinq ans peut-être pour voir apparaître de grandes entreprises qui auraient une influence mondiale», estime Anh-Minh Do, analyste pour Vertex Venture Holdings basé à Singapour.