La fabrication additive, plus connue sous l'appellation «impression 3D», trouve désormais sa place dans de nombreux secteurs industriels, pour des prototypes et des petites séries, et les acteurs du secteur envisagent, malgré les obstacles, le passage à une production en grande série.

Le salon Industrie Paris, traditionnel rendez-vous de la machine-outil et de l'équipement industriel, a pour la première fois accueilli cette semaine un «Village Impression 3D» avec une vingtaine d'entreprises.

Une arrivée qui illustre l'engouement croissant pour cette technologie qui permet de créer un objet tridimensionnel par l'addition «couche par couche» de différents matériaux (plastiques, métaux, céramiques, matières organiques).

Aujourd'hui, l'impression 3D est utilisée «à 90% pour des maquettes et prototypes, mais de plus en plus se développe une application de production directe dans deux domaines: la fabrication de pièces et l'outillage», témoigne Quentin Kiener, président de 3D Prod.

Pour Jean-Pierre Wilmes, directeur fabrication additive du groupe français AGS, spécialisé dans l'impression métallique, «les domaines les plus porteurs pour la fabrication additive sont l'aéronautique et la fabrication de moules».

Dans l'aéronautique, l'impression 3D permet «une réduction de masse de 30% minimum, et jusqu'à 70%» pour une pièce, indique Valentina Vetere, experte fabrication additive chez Sogeti High Tech.

Autres secteurs concernés, l'automobile, l'énergie et le médical: «le marché américain des prothèses auditives s'est transformé vers l'impression 3D à 100%», note-t-elle.

Mais le passage du prototypage 3D, déjà largement utilisé par les designers et les bureaux d'études, à la production en grande série se heurte encore à plusieurs obstacles, à commencer par les imprimantes elles-mêmes.

«Dans l'état actuel de la technologie, on ne peut pas dire qu'il y ait beaucoup de machines qui sont faites pour la production», résume M. Wilmes.

Manque de machines

«On en parle chez les constructeurs» mais «on a quelques réticences à croire que ça se fera facilement», ajoute-t-il, même si la technologie progresse.

Parmi les obstacles relevés, la vitesse de fabrication, de l'ordre de 1 cm à l'heure en moyenne, selon Quentin Kiener. «Tant qu'on ne sera pas dans des vitesses, 10 fois, 20 fois plus élevées, il va être compliqué d'envisager ce processus pour une grande série».

Il y a aussi une «limite économique», ajoute-t-il: «au-delà d'une certaine taille, le coût de réalisation de la pièce n'est plus intéressant par rapport à un procédé traditionnel», même si on peut aujourd'hui fabriquer des pièces sans soudure et sans raccord jusqu'à 1m50.

Autre difficulté, la nécessité d'utiliser un support pour la fabrication qu'il faut ensuite retirer. Une opération qui ne peut être automatisée, selon M. Wilmes.

Enfin, la qualité des pièces produites doit être garantie: «Il faut que les constructeurs soient capables de prouver la santé métallurgique de leurs pièces», ajoute André Surel, directeur France du constructeur allemand EOS (Electro Optical Systems), qui fournit notamment l'aéronautique.

Malgré tout, les fabricants de machines s'attendent à une demande croissante de la part de leurs clients industriels qui voudront s'équiper en lignes de production, mais il leur sera difficile d'y répondre.

«La capacité des constructeurs n'est pas à la hauteur du besoin tel qu'il se développe aujourd'hui», affirme le responsable d'AGS, qui compare le chiffre de 800 à 1000 imprimantes 3D produites par an à 100 000 unités pour les machines-outils.

L'utilisation de l'impression 3D dans la grande série devra aussi passer par une «baisse significative» du coût des imprimantes industrielles, aujourd'hui de l'ordre de 800 000 euros et pouvant monter jusqu'à 2,5 millions, ajoute M. Wilmes.

Mais le mouvement est enclenché: Pierre Benne, PDG de Benne, une PME qui fabrique des convoyeurs et s'est dotée l'an dernier d'une imprimante 3D, va jusqu'à supposer que «d'ici 10 ou 15 ans, toutes les entreprises de mécanique (...) vont peut-être disparaître au profit de l'impression 3D».

«Ça ne va pas faire disparaître les technologies historiques», relativise Quentin Kiener, «mais il va y avoir nécessairement une migration».

«La 3D est une des filières de l'Industrie du futur», assure le directeur du Salon Industrie Paris, Sébastien Gillet.