Malgré le ralentissement de sa croissance, la Chine accélère sur les technologies de l'information: le pays investit, copie et innove pour s'arracher à son statut d'usine du monde, des efforts salués au CeBIT, le salon high-tech de Hanovre en Allemagne.

Cette grand-messe de l'industrie informatique (du 16 au 20 mars) a fait de la Chine son invitée d'honneur cette année.

«La Chine est déjà le marché des technologies de l'information et de la communication à la plus forte croissance dans le monde», s'est félicité le vice-premier ministre chinois Ma Kai, en ouverture du salon.

L'Empire du Milieu a renoncé à sa croissance du PIB à deux chiffres, mais Pékin veut voir son industrie «évoluer vers le moyen et haut de gamme». La Chine reste un fabricant de composants électroniques bon marché, mais se diversifie à marche forcée.

Les dépenses chinoises dans les technologies de l'information (IT) représenteront à elles seules 43% de la croissance mondiale du secteur en 2015, selon les prévisions du cabinet spécialisé IDC.

La Chine «n'est plus seulement l'usine du monde», pointe Kitty Fok, une analyste d'IDC.

Dans les téléphones intelligents, par exemple, les constructeurs Huawei, Xiaomi, Lenovo ou ZTE roulent des mécaniques sur leurs stands à Hanovre. Inconnus il y a dix ans, ils ont conquis le marché chinois et jouent désormais les trouble-fêtes dans le duel au sommet entre l'américain Apple et le sud-coréen Samsung.

Presque 500 millions de téléphones intelligents devraient se vendre en Chine en 2015, un tiers des ventes mondiales, selon les prévisions d'IDC. 85% d'entre eux le seront par des champions nationaux.

«La Chine est un marché suffisamment gros pour permettre à une marque chinoise de devenir une marque mondiale», résume Mme Fok.

Copie ou innovation?

L'État protectionniste assure aussi aux entreprises chinoises leur domination sur le marché domestique, rappelle Hauke Gierow, chercheur à l'institut Mercator d'études sur la Chine (Merics) à Berlin.

«Le gouvernement chinois élabore de nouveaux obstacles pour les entreprises d'IT» étrangères, en promouvant par exemple «des normes techniques alternatives», explique-t-il.

«De nombreuses entreprises d'IT chinoises ont atteint cette taille parce qu'elles ont copié des modèles venus de l'étranger», ajoute Jost Wübbeke, un autre chercheur du Merics.

Xiaomi notamment est sous le feu de la critique. Le benjamin des smartphones chinois a conquis le pays en seulement cinq ans, avec des produits à prix cassés, fortement inspirés par l'iPhone d'Apple, et vantés par un patron en jean délavé cultivant sans complexe des mimiques à la Steve Jobs, le fondateur du mastodonte californien.

Certains modèles sont bannis en Inde, après un échec judiciaire contre Ericsson, qui l'accusait de violation de brevets. Un revers symbolique au moment où Xiaomi cherche à s'implanter dans une douzaine de pays.

«Les produits innovants s'achètent, mais pas la culture de l'innovation», fait remarquer Angela Stanzel, du Conseil européen des affaires étrangères, en pointant les lacunes chinoises.

«De nombreuses entreprises chinoises ont déjà délaissé depuis longtemps le statut de copieurs», a rétorqué l'ambassadeur chinois à Berlin Shi Mingde avant l'ouverture du CeBIT.

Au jeu du nombre de brevets internationaux déposés, la Chine a ravi à l'Allemagne sa troisième place mondiale en 2013, derrière le Japon et les États-Unis, selon l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

Et l'économie numérique est vigoureuse. Le géant du commerce en ligne Alibaba vient de réaliser la plus grosse entrée en Bourse de l'histoire à New York, et se lance aux États-Unis dans le nuage - gestion informatique en ligne. Son rival Tencent avance dans le mobile, avec son application WeChat. Elle inclut désormais un système de paiement qui la différencie de Whatsapp, et est bien plus rentable que l'américain.

«Les entreprises chinoises comprennent désormais l'importance des technologies de l'information», observe pour l'AFP Mark Gibbs, à la tête de l'antenne chinoise de SAP, où le fabricant allemand de logiciels est implanté depuis 1992.

À la faveur de son offensive dans le «cloud», la Chine est désormais le cinquième marché mondial du groupe, souligne-t-il. En 2011, elle ne figurait même pas dans le top 10.