Ordinateurs, écrans plats, réfrigérateurs, téléphones: tous ces équipements, s'ils sont achetés en Europe, sont aussi censés y être recyclés. Or, deux tiers de ces déchets sont détournés, souvent vers l'Asie et l'Afrique.

Dans un documentaire intitulé La tragédie électronique, diffusé sur Arte le 20 mai, la réalisatrice Cosima Dannoritzer plonge au coeur d'un trafic qui brasse à l'échelle mondiale des millions de tonnes de déchets par an, au détriment de l'environnement et de la santé des populations.

Pourtant la Convention de Bâle, signée en 1989, interdit l'exportation de déchets toxiques, ce qui inclut la plupart des déchets électriques et électroniques dont les composants renferment plomb, mercure, PCB, etc.

Seuls deux pays n'ont pas ratifié ce texte: les États-Unis et Haïti.

Les Américains - plus gros producteurs de déchets électroniques par an avec près de 30kg/hab - s'octroient donc le droit d'expédier leurs vieux équipements là où bon leur semble.

Des sociétés travaillant souvent en Asie et en Afrique sont toujours intéressées par le rachat à bas prix de biens dont pourront être extraits métaux et autres composants précieux comme les terres rares. Une fois désossés par de petites mains aux salaires misérables, les déchets finiront dans des décharges.

«Les gens externalisent les coûts, sans chercher de solutions», déplore dans le film Jim Puckett, de l'ONG Basel action network qui intervient aux États-Unis, où certaines entreprises tentent néanmoins de privilégier un recyclage sur le territoire national. Selon lui, 20 à 50 conteneurs avec des déchets électriques ou électroniques quittent chaque jour ce pays.

Les Européens doivent eux respecter la Convention de Bâle et ont même durci en janvier 2012 leur législation afin d'augmenter le recyclage sur le continent et de renforcer les contrôles portuaires. Mais comme le montre le documentaire, le chemin à parcourir est immense.

Un gisement de 50 millions de tonnes par an 

Selon l'Union européenne, deux tiers des déchets électriques et électroniques n'arrivent pas dans les centres de recyclage agréés.

Il y a d'abord les vols en déchetteries qui viennent alimenter des récupérateurs de métaux, puis des entreprises locales de recyclage aux tarifs alléchants qui mentent sur le traitement qu'elles feront des déchets et finissent par les enfouir ou les revendre.

Il y a surtout un trafic international s'appuyant sur des sociétés qui achètent des lots et les expédient à l'autre bout du monde. Destinations privilégiées: Afrique, Chine, Europe de l'Est, Inde et Philippines.

Le gisement de ce type de déchets est immense: 50 millions de tonnes par an au niveau mondial. Encore davantage dans les années à venir.

Les sociétés, qui exportent frauduleusement ces matières, jouent notamment sur l'impossibilité de contrôler les dizaines de millions de conteneurs qui naviguent chaque année sur les mers du monde.

Rien qu'à Hong-Kong, 3e port mondial, 63 000 conteneurs sont débarqués chaque jour!

Et le travail des douaniers, que ce soit en Europe ou en Asie, est compliqué par le fait que l'expédition de matériels électroniques usagés, mais encore en état de marche, est permise...

En Afrique, le Ghana est une des destinations accueillant le plus de bateaux aux cargaisons douteuses. Cela alimente un immense marché de l'occasion - un effet qui peut être vu comme bénéfique - mais en fin de vie, ces produits finiront en décharge comme ceux qui arrivent déjà hors d'usage, car le pays n'a aucun centre de recyclage officiel.

Le film débute et se termine sur de glaçantes images de la décharge d'Agbogbloshie à Accra, où des enfants brûlent des matières aux fumées toxiques, et où ce qui n'est pas jeté dans les flammes viendra polluer les nappes phréatiques et les sols.