Les grands éditeurs américains de logiciels s'inquiètent d'une «vague de protectionnisme numérique» et appellent les Européens à établir des règles pour les échanges de données dans le cadre des négociations pour un Accord de libre-échange transatlantique (TTIP).

«Si les gouvernements créent des barrières au commerce des données, il aura des pertes d'opportunités importantes» qui risquent de freiner la croissance du secteur, a averti Victoria Espinel, présidente de la Business Software Alliance, dans un discours prononcé jeudi.

«Nous voyons déjà cela se produire. De par le monde les gouvernements réfléchissent à une série de barrières commerciales non traditionnelles qui visent spécifiquement les secteurs des technologies de l'information», a observé la responsable, selon le texte de son allocution devant la conférence sur «Le Futur du commerce transatlantique».

Certains pays «ont adopté ou proposé des réglementations qui interdisent ou restreignent la possibilité des compagnies de transférer des données hors de leurs territoires», tandis que d'autres exigent des sociétés qu'elles aient des serveurs sur leur territoire si elles veulent y opérer, a-t-elle noté.

«Ces types de politiques sont une perversion de l'internet», estime Mme Espinel, ancienne négociatrice de l'administration américaine sur le dossier des droits de propriété intellectuelle.

L'accord TTIP peut promouvoir l'économie numérique «en incluant des services innovants comme le cloud» (informatique en nuage) dans ses règles commerciales. L'accord peut aussi y contribuer en permettant «aux flux de données de passer les frontières sans restrictions superflues» et également «en empêchant les gouvernements de décider où les serveurs ou autres infrastructures informatiques doivent être implantées», a-t-elle souligné.

Les révélations de l'ex-consultant de l'Agence nationale de sécurité (NSA) américaine Edward Snowden sur l'espionnage américain en Europe ont provoqué une onde de choc et déclenché une prise de conscience sur les enjeux du contrôle des communications et des données personnelles.

Mme Espinel a convenu que la confiance envers les sociétés américaines de nouvelles technologies, accusées de collaborer avec la NSA, avait été sérieusement érodée.

Elle a indiqué que son organisation était en faveur d'une «plus grande transparence des pratiques de récolte de données» dans le monde et encourageait l'administration américaine à réformer son système judiciaire pour permettre des recours contre l'utilisation abusive des données personnelles.

La BSA représente notamment Apple, Adobe, Cisco Systems, IBM et Intel, mais aussi quelques sociétés européennes comme Dassault Systèmes.

La France a commencé à mettre en place des projets de «cloud» nationaux pour y stocker des données sensibles et la chancelière allemande Angela Merkel a suggéré en février lors d'une rencontre avec François Hollande la création d'un réseau internet européen afin de conserver un degré élevé de protection des données.

La responsable a ajouté que son organisation était «inquiète « des velléités affichées par la Russie de mettre à l'écart les sociétés américaines des nouvelles technologies, à la suite de la montée des tensions diplomatiques sur la crise en Ukraine.

«Nos sociétés ont des opérations en Russie, le BSA aussi, nous examinons la situation attentivement mais l'impact des mesures n'est pas encore clair», a-t-elle indiqué à l'AFP.

Le projet de créer un système de paiement électronique russe et d'imposer des contraintes aux opérateurs étrangers, qui pourrait gêner Visa ou MasterCard notamment, «est troublant», a-t-elle estimé.