Le Texas a aperçu l'avenir des bibliothèques publiques, et cet avenir ressemble grandement à une boutique Apple, avec des rangées d'ordinateurs, ainsi que des tablettes électroniques disposées sur des présentoirs qui n'attendent plus que les lecteurs.

Les libraires vont même jusqu'à imiter le style vestimentaire des employés des magasins à la Pomme, portant des vêtements semblables. Mais la bibliothèque techno de San Antonio, au Texas, risque d'être encore plus remarquée pour quelque chose qu'elle ne possède pas: des livres en papier.

Cela fait de la BiblioTech du comté de Bexar la seule bibliothèque publique des États-Unis à n'avoir aucun ouvrage physique, une distinction qui a attiré des masses d'amateurs de lecture numérique, en plus d'émissaires provenant d'aussi loin que Hong Kong, et qui désirent en apprendre davantage sur cette idée, pour peut-être l'emporter dans leurs bagages au retour.

Voilà des années que les campus universitaires comptent des bibliothèques entièrement numériques. Mais le comté, qui ne possède pas d'autre bibliothèque publique, a écrit une page d'histoire quand il a décidé d'ouvrir BiblioTech. Il s'agit de la première installation du genre aux États-Unis, selon les informations obtenues par l'American Library Association.

Des propositions semblables dans d'autres localités ont été accueillies de façon mesurée. En Californie, la ville de Newport Beach a jonglé avec l'idée d'une bibliothèque sans livres en 2011, jusqu'à ce que les réactions négatives n'entraînent le retour des étagères chargées d'ouvrages. Près d'une décennie plus tôt, en Arizona, le réseau de bibliothèques publiques de Tucson-Pilma a ouvert une succursale entièrement numérique, mais les citoyens réclamant des livres papier ont finalement eu gain de cause.

Ce qui surprend, toutefois, c'est que BiblioTech a beau ressembler à une boutique Apple, l'endroit n'en est pas moins situé dans un quartier économiquement pauvre de la ville, et est installé dans un vieux centre commercial où se trouvent également les bâtiments administratifs du comté.

San Antonio est la septième plus grande ville des États-Unis, mais seulement la 60e en matière de littératie, selon les données du recensement. Au début des années 2000, les leaders du quartier abritant BiblioTech, formé d'appartements à faible revenu et de magasins d'escompte, se sont plains de ne pas avoir accès à une librairie, a indiqué Laura Cole, la coordonnatrice du projet. Une décennie plus tard, dit-elle, la plupart des familles du coin n'ont pas encore Internet sans fil.

«Comment faites-vous progresser la littératie avec si peu de ressources disponibles?», demande-t-elle.

Les résidents profitent désormais de la nouvelle bibliothèque. Celle-ci devrait surpasser le seuil des 100 000 visiteurs pour sa première année d'activité. Trouver un ordinateur disponible parmi la quarantaine offerts est souvent difficile après la fin des classes, et environ la moitié des liseuses électroniques sont empruntées en tout temps, chacune contenant au maximum cinq livres. L'un des visiteurs réguliers apprend le mandarin par lui-même.

La libraire en chef Ashley Elkholf se rappelle des pages arrachées, des livres perdus ou mal classés. Mais dans les quatre mois depuis l'ouverture de BiblioTech, aucune tablette n'a encore été «empruntée» à perpétuité. La solution numérique est par ailleurs plus économique: les 10 000 ouvrages coûtent aussi cher, mais des millions de dollars ont été épargnés en n'ayant pas besoin de stocker les livres papier.

«Si vous avez des étagères, vous devez structurer le bâtiment pour qu'il puisse supporter tout ce poids, dit Mme Elkholf. Les livres sont lourds; vous le savez si vous vous en êtes déjà échappé un sur le pied.»

À Austin, par exemple, la Ville construit actuellement une librairie dans le centre-ville qui devrait ouvrir ses portes en 2016 au prix de 120 millions de dollars US. Même une petite bibliothèque publique traditionnelle récemment inaugurée à Kyle, une ville de banlieue, a coûté environ 1 million de dollars US de plus que BiblioTech.