Le début de la fin pour le bitcoin? Rien de moins sûr, même si les mises en garde de la Banque de France et de la banque centrale chinoise sur la monnaie virtuelle pourraient calmer les investisseurs.

«Monnaie casino», «monnaie du crime» ou «monnaie tulipe», en référence à l'une des premières bulles spéculatives de l'Histoire, survenue au XVIIe siècle en Hollande autour du commerce de ces fleurs, le bitcoin ne manquait déjà pas de détracteurs.

Mais la critique a pris une dimension plus sérieuse mercredi pour cette devise lancée en 2009 par un mystérieux groupe d'informaticiens du nom de Satoshi Nakamoto, avec des mises en garde des banques centrales chinoise et française.

Dénonçant le caractère «hautement spéculatif» du bitcoin, la Banque de France a souligné dans une note qu'il représentait un «risque financier certain», parce qu'il n'est adossé à aucune activité réelle et que son cours est très volatil.

«Les bitcoins ne sont pas émis par des autorités compétentes», ils «n'ont pas de cours légal» ni «le même statut légal que les monnaies fiduciaires» et «ce n'est en aucun cas une authentique devise», a  averti la Banque populaire de Chine (PBOC), faisant dévisser le cours.

Le Bitcoin, qui a flambé jusqu'à plus de 1200 dollars, est retombé après l'annonce chinoise sous les 900 dollars, avant de se stabiliser vers 10 h 30 autour de 1000 dollars.

Il avait dépassé la semaine dernière le seuil des 1000 dollars après avoir quintuplé sa valeur en un mois.

L'Internet bruisse d'histoires: un étudiant norvégien aurait investi 18 euros en bitcoins en 2009 et s'est retrouvé récemment avec une cagnotte de plus de 600 000 euros, de quoi s'acheter un appartement à Oslo.

Le phénomène inquiète les banques centrales traditionnelles, grandes maîtresses de la monnaie mais ici simples spectatrices.

On recense environ 11,8 millions de bitcoins, selon une étude de la Réserve fédérale américaine. La formule mathématique qui lui a donné naissance limite son nombre à 21 millions.

La monnaie virtuelle peut être échangée en ligne contre des devises officielles ou utilisée pour des achats, sans risque de manipulation par les banques centrales et sans frais bancaires, vantent ses partisans. Ses détracteurs dénoncent son usage pour des activités criminelles.

Le danger du casse informatique

La Banque de France souligne qu'aucune autorité ne garantit la sécurité du stockage sur les ordinateurs ou serveurs, ni n'assure sa convertibilité dans une devise officielle.

Mercredi une société danoise spécialisée dans les paiements en bitcoins a reconnu qu'un braquage informatique l'avait dépouillée de 1295 bitcoins, plus d'un million de dollars au cours actuel.

Et récemment les clients chinois d'une plateforme électronique basée à Hong Kong ont perdu l'équivalent de 2,43 millions d'euros en bitcoins, lorsque la société a cessé sans préavis ses activités.

Le bitcoin est très prisé des investisseurs chinois, soumis à un arsenal de restrictions concernant leur propre devise, le yuan. Aussi la banque centrale chinoise a fini par donner de la voix jeudi.

Aux États-Unis, le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a estimé que les monnaies virtuelles «pouvaient aussi être prometteuses à long terme». Mais son prédécesseur Alan Greenspan s'est dit «incapable d'évaluer la valeur intrinsèque» du Bitcoin, et a dénoncé «une bulle».

De manière générale, les pays agissent en ordre dispersé: «En Allemagne, ils ont décidé de le légitimiser pour pouvoir le taxer et le bitcoin y est considéré comme une monnaie. En Thaïlande, il a été déclaré illégal», détaille pour l'AFP Joram Borenstein, spécialiste en criminalité financière de la société Nice Actimize.

Reste que face à l'appétit du monde financier, les avertissements ne pèsent pas lourd. Jeudi la Bank of America a officiellement lancé son évaluation du bitcoin, assurant être la première grande banque à le faire et soulignant son «fort potentiel de croissance». Son estimation reste toutefois prudente, puisque, selon elle, le bitcoin ne devrait pas dépasser 1300 dollars, un peu plus que son cours actuel, sous peine de perdre de vue sa «juste valeur».