Depuis le printemps, plusieurs des entrepreneurs les plus en vue du secteur québécois des nouvelles technologies ont quitté le Canada pour relever de nouveaux défis à l'étranger. Certains observateurs commencent à parler d'un exode des cerveaux branchés de la Belle Province. Qu'est-ce qui les fait donc fuir?

Comme tout secteur d'affaires du Québec, le secteur technologique est tricoté serré: tout le monde se connaît, ou presque. En l'espace de quelques mois, des gens bien connus comme Sylvain Carle, Ben Yoskovitz, Robin Ahn et Raymond Luk, notamment, ont fait leurs valises et quitté pour d'autres cieux.

Ça n'en prenait pas plus pour faire naître l'inquiétude dans la petite pépinière québécoise des jeunes pousses technologiques.

Un qui n'a pas quitté Montréal est Sébastien Provencher, qui a cofondé puis quitté Needium, une société d'analytique pour médias sociaux.

Il s'en est toutefois fallu de peu. Pour les mêmes raisons que tous les autres, il a fait la tournée des grandes villes américaines, en début d'année, en quête d'un emploi digne d'un ex-entrepreneur ayant encore le goût d'innover.

«Un peu par hasard, je suis tombé sur une entreprise américaine qui voulait faire ça, mais à Montréal», dit-il, refusant de nommer son nouvel employeur. Selon lui, la crise de 2008 est en partie responsable du départ de plusieurs de ses pairs.

Elle a créé un creux de vague dans le secteur financier qui a nui à la croissance des entreprises technos.

«Des entreprises de bonne taille, prêtes à embaucher des entrepreneurs en série à leur juste valeur, on en trouve à Boston, à New York et à San Francisco, mais aucune à Montréal.»

Un manque d'audace?

La désertion d'une génération d'entrepreneurs n'est certainement la faute du manque d'effervescence de la métropole. Les agences web, les éditeurs de jeux vidéo et les petites boîtes spécialisées dans les secteurs en vogue des technologies internet ne manquent pas.

Les plus récentes données sur l'emploi dans le secteur technologique ne sont pas indicatrices non plus d'un désavantage marquant.

C'est plutôt le contraire: le site d'emploi JobWings Canada, qui compile les statistiques salariales au Canada depuis des années, indique qu'en général, un emploi dans les technologies est mieux rémunéré d'environ 5% à Montréal qu'ailleurs au Canada.

Ce qui semble faire la différence, c'est la culture entrepreneuriale. Ces dernières années, on a vu plusieurs jeunes pousses être acquises par Apple, Facebook et Google, non pas pour leurs produits ou leurs revenus, mais pour le talent de leurs employés.

À une autre époque, même RIM a procédé à une ou deux acquisitions de ce genre. On attend encore une telle acquisition par une société québécoise...

«Il faut créer un écosystème plus robuste, car sinon, c'est sûr que les entrepreneurs à succès vont continuellement aller voir ailleurs. Au Canada, on fait très peu d'acquisitions de talent, alors qu'aux États-Unis, ça se fait presque tous les jours. Pourtant, ce n'est pas le talent qui manque à Montréal», dit Sébastien Provencher.

Seulement la volonté des entreprises locales de retenir ce talent chez lui...