À travers des regroupements régionaux de bidouilleurs et d'amateurs de nouvelles technologies, le Québec tombe lentement sous le charme de «l'économie 3.0», un modèle économique plaçant l'internet à haut débit, les données ouvertes et les technologies libres au coeur du développement régional et rural.

L'économie 3.0 est un terme récemment mis de l'avant par la Banque mondiale. Il est né en réaction aux effets de la délocalisation du secteur manufacturier. Une usine qui déserte un village laisse des milliers de travailleurs spécialisés sans emploi. L'économie 3.0, c'est quand ces travailleurs exploitent leur expertise au profit de la collectivité.

C'est une célébration du génie commun, ce bricoleur de garage sur lequel repose en bonne partie la culture des nouvelles technologies en général et de la Silicon Valley en particulier. Sauf que ça va plus loin: certains y voient la naissance d'une nouvelle forme d'organisation sociale qui pourrait revitaliser ces régions où l'industrialisation n'a fait que passer.

Les 25 et 26 août prochains aura lieu au Parc olympique le Maker Faire de Montréal, un mélange de conférences, d'exposition et d'ateliers illustrant bien ce phénomène. De nombreux bidouilleurs viendront y présenter leurs créations, sous le thème du «fais-le toi-même» (le «DIY» anglais). Issu de la Californie, le mouvement Maker Faire existe depuis environ cinq ans. À Montréal, les curieux verront des imprimantes 3D, des systèmes robotisés et autres objets à haute valeur technologique faits maison.

«L'arrivée de l'internet à haut débit dans les campagnes permet un développement économique différent, basé sur la coopération entre différents secteurs d'activité. Ce que démontrent des expositions comme le Maker Faire, c'est qu'avec un investissement relativement faible, les communautés peuvent expérimenter avec la technologie afin de répondre à leurs besoins et stimuler l'esprit entrepreneurial local», explique Marc-Olivier Ducharme, de Communautique, un OBNL désirant stimuler l'appropriation des technologies par les citoyens.

Une économie de «patenteux»

Plus tôt cette année, M. Ducharme a fondé EchoFab, un projet visant à créer, notamment, un système d'irrigation automatisé à très faible coût, pouvant convenir tant aux propriétaires d'un toit vert en ville, qu'aux agriculteurs en quête d'une solution dernier cri abordable. À la fin du projet, EchoFab créera un tutoriel en ligne expliquant comment fabriquer soi-même ce système.

C'est un autre exemple d'économie 3.0. Il en existe ailleurs au Québec et dans le monde, regroupés sous le nom de FabLabs, des «laboratoires de fabrication numérique à petite échelle» chapeautés par le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Alors que les Maker Faire sont des expositions à grande échelle, destinés au grand public, les FabLabs s'adressent davantage à ceux qui désirent mettre l'épaule à la roue. «À mesure que les usines se déplacent vers d'autres pays, l'idée est de récupérer les lieux de fabrication à des fins locales», explique M. Ducharme, qui cite au passage l'exemple de la ville de Detroit, désertée par l'industrie automobile, mais où s'est graduellement tissée une économie sociale faite de patenteux et de bidouilleurs.

«Detroit possède une masse immense de travailleurs avec de très bonnes connaissances techniques issus de l'industrie automobile. La dégringolade économique a forcé les gens à porter un regard différent sur leur situation et sur la notion de bien commun», ajoute-t-il.

Avec la technologie open source, les FabLabs et les Maker Faire, c'est le genre réflexion qui est en train de revenir en vogue un peu partout dans le monde. Le Québec, où le secteur manufacturier souffre tandis que le secteur technologique prospère, n'échappe pas à cette tendance.