Ouvrir une affaire au Vietnam est un tour de force administratif après plus d'un demi-siècle de régime communiste.

Les entrepreneurs sont donc prêts à toutes les options pour contourner cet obstacle, y compris internet, terrain de jeu de nouveaux acteurs économiques.

Thao Phuong, 28 ans, gagne ainsi deux fois plus en vendant des fruits sur la toile que par son emploi dans un bureau de poste.

Elle achète oranges, durians et pamplemousses aux producteurs, les propose sur des forums en ligne et assure elle-même en mobylette la livraison, une fois le courrier trié.

«C'est marrant (...) et c'est devenu une source de revenu majeure pour moi», explique-t-elle, en avançant des revenus mensuels de 330$.

Sa double-vie ne surprend personne.

Elle incarne même une réalité économique et sociale, dans un pays où le secteur informel ne cesse de se développer devant l'incapacité du pouvoir à lutter contre une corruption endémique de l'appareil d'État.

L'internet est ainsi devenu un terrain de jeu de premier choix pour une myriade de petits acteurs, fonctionnaires, employés de bureaux ou autres secrétaires qui utilisent leur temps libre pour augmenter leurs revenus.

«Le Vietnam est une terre fertile pour le développement du commerce en ligne», estime Nguyen Tam Khoi, patron de l'entreprise hanoïenne Da Phuc, qui produit des portes anti-incendie.

«Une population jeune (...) et un taux de croissance d'internet en pointe dans le monde, ce sont des signaux forts».

«L'e-commerce au Vietnam s'appuie surtout sur la confiance personnelle entre les vendeurs et les acheteurs», explique Phuong.

«La garantie sur les produits n'existe pas. Tout repose sur la confiance».

Le secteur connaît donc une forte croissance, même si les paiements en ligne restent un rien hasardeux, imposant pour l'heure un encaissement en liquide, à la livraison.

Les quatre plus gros sites de vente ont enregistré des centaines de milliers de transactions et un chiffre d'affaires annuel de 31 millions de dollars.

Faute de statistiques officielles, le groupe de conseil McKinsey a estimé en janvier que le secteur ne représentait que 0,9% du PIB.

L'acheteur vietnamien moyen dépense 13$ par mois, en dessous des 16$ des Malaisiens ou des 26$ des Taïwanais.

«L'e-commerce au Vietnam est un marché non-exploité avec une croissance potentielle importante», a estimé McKinsey dans un rapport récent.

Car pour beaucoup de citadins comme Nguyen Thu Huong, une employée de bureau de 34 ans, mère de deux enfants, l'e-commerce «simplifie la vie de tout le monde».

«Je peux acheter tout ce qu'il faut pour le repas de ma famille sans aller au marché».

Le taux de pénétration d'internet n'est que de 34% dans le pays, beaucoup plus dans les grands villes, mais sa croissance est exponentielle.

Et cela «pourrait apporter des résultats stupéfiants», estime un cadre du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Encore faudrait-il que l'activité intègre l'économie officielle, avec des taxes et des réglementations.

«Il y a énormément de choses à améliorer», admet-elle sous couvert de l'anonymat.

«L'e-commerce se développe de façon très amateur».