Ils ont fait tomber les sites web du Parti libéral du Québec, du ministère de l'Éducation et de la Ville d'Alma. Ils ont diffusé des images privées de la famille Desmarais. Ils menacent le Grand Prix de Montréal.

Ces cyberpirates, qui se posent en défenseurs virtuels du plus grand nombre, se réunissent sous le nom d'Anonymous. Fait rare, l'un d'eux a accepté de parler à La Presse.

Avertissement: ce cyberpirate anonyme n'est pas un porte-parole du groupe. Anonymous n'est une organisation ni structurée ni hiérarchisée. N'en déplaise à ceux qui la présentent comme telle, Anonymous n'est simplement pas une entreprise privée.

«Les gouvernements et les médias font généralement cette erreur. N'importe qui peut s'impliquer dans une opération et dire qu'il ou elle fait partie d'Anonymous. Nous avons une certaine philosophie et une marque de commerce, mais n'importe qui peut se les approprier», explique notre interlocuteur. Voilà pour la Ville d'Alma, où les fonctionnaires se demandaient bien pourquoi elle était la cible de pirates aux visées internationales.

Le Québec est loin d'être l'unique terrain de jeu du groupe. Outre leur opposition à la loi spéciale (78) et leur lettre ouverte menaçant le Grand Prix, des membres d'Anonymous donnent aussi un coup de pouce aux opposants au projet de loi C-11, qui resserre les pratiques du droit d'auteur au Canada.

Ailleurs dans le monde, on a vu le principal symbole d'Anonymous, le masque de Guy Fawkes, opposant à la monarchie anglaise du XVIIe siècle, apparaître durant le Printemps arabe en Égypte et en Tunisie, l'an dernier. Dans le mouvement Occupy Wall Street également. En fait, Anonymous remonte jusqu'à WikiLeaks; c'est dans ce contexte que le mouvement est réellement sorti de l'ombre.

«Je dirais qu'opération Québec [contre la loi d'exception] a vu le jour de la même façon qu'opération Égypte: Anonymous s'oppose à la brutalité policière contre des protestataires pacifiques et à un gouvernement limitant la liberté d'expression des assemblées et des citoyens. C'est le genre de contexte qui fait rapidement consensus au sein de nos membres: nous aidons ceux qui désirent défendre leurs droits civiques.»

Sans impact négatif, mais quand même...

Un consensus qui se fait sur «IRC», un canal de communication qui est la fondation même du réseau internet et qui est en bonne partie anonyme: Anonops, Voxanon, Anonnet sont leurs points de ralliement.

Tout internaute n'a qu'à pointer son fureteur vers ces serveurs et il participe au mouvement. Difficile, dans ce contexte, de repérer le ou les responsables d'une attaque contre un site web en particulier. Cela complique le travail des autorités. Cela attire les pirates de tous les horizons.

Malgré cela, et malgré les menaces contre la F1, le mouvement se défend bien de s'en prendre à des cibles qui affecteront négativement le grand public. Cela rassurera les portails financiers et les principaux sites d'information...

Quand même. Cette assurance ne devrait pas empêcher les organismes ayant pignon sur le web de renforcer la sécurité de leur site. Malgré l'attaque subie à mi-mai, la Ville d'Alma n'a toujours pas corrigé les failles dans son système. Ailleurs sur l'internet, les autres municipalités canadiennes, le gouvernement et nombre d'entreprises présentent la même sécurité défaillante, nous indique un expert en cybersécurité.

Autrement dit, ce ne sont pas les cibles de choix qui manquent sur le grand réseau. Situation idéale pour l'émergence d'un regroupement d'internautes désireux de faire du grabuge. L'équivalent virtuel, en quelque sorte, de taper sur des casseroles en pleine rue. Seulement, les casseroles d'Anonymous, ce sont des sites web.