Tout est relatif dans la vie. Y compris la définition d'un innovateur.

Dans son entourage, Patrick Pichette a toujours eu la réputation d'aimer innover, créer, réfléchir à de nouvelles idées. Mais voilà: depuis quatre ans, le Montréalais est chef des finances de Google, où il côtoie quotidiennement Larry Page et Sergey Brin, deux des plus grands inventeurs de leur génération.

«La moitié du monde pense que je suis pété, mais Larry, Sergey et les autres me disent: «Patrick, nous sommes contents que tu sois conservateur!» Je suis payé pour être conservateur et pour poser les questions difficiles. La haute direction de Google ne prend pas mes questions de façon personnelle. Nous avons une camaraderie et un respect extraordinaires», dit Patrick Pichette en entrevue à La Presse Affaires.

Chez Google, Patrick Pichette voit à ce que les budgets soient respectés. Un travail parfois ingrat dans une entreprise réputée pour sa capacité à rêver et voir grand.

«Le truc, c'est d'être enthousiaste avec l'innovation, dit-il. On est là juste pour ramener le monde, pour qu'ils innovent pour de vrai au lieu de se conter des menteries. Les ingénieurs sont des gens très factuels, et ma grande force, c'est d'être bon avec les chiffres et les faits. Au lieu de m'obstiner que ça ne marchera pas, je leur présente les faits. Un ingénieur ne veut pas travailler sur un projet qui ne marchera pas.»

Patrick Pichette ne se décrit pas comme un innovateur mais comme un «curieux qui aime le changement». S'il avait eu un temps mort dans sa carrière comme consultant chez McKinsey et numéro deux chez Bell, il aurait peut-être mené à terme l'une de ses 200 idées.

«En 1989, je ne comprenais pas pourquoi on devait acheter des livres de cartes routières, pourquoi ce n'était pas déjà sur l'ordinateur», dit-il. En 2004, son futur employeur le prendra de court avec Google Maps.

Passionné de vélo, il a modifié tous les siens. Sauf le dernier qu'il vient d'acheter. Ses yeux s'illuminent presque quand il parle de son Yuba Utility Bike. «C'est le vélo parfait, le vélo que j'imaginais depuis 25 ans, dit-il. Il peut supporter jusqu'à 500 livres de poids, on peut mettre deux sièges d'enfants, toute l'épicerie, un baril de bière. J'ai vendu mon automobile pour me l'acheter!»

Chez Google, l'innovation la plus importante pourrait encore venir de l'algorithme du célèbre moteur de recherche.

«Si on demande les 10 lacs les plus profonds au monde, on devrait avoir la réponse immédiatement sur Google, dit Patrick Pichette. Du côté commercial, si on veut acheter une bicyclette de carbone à 3000$, on devrait avoir les trois meilleurs modèles rapidement sur Google.»

Mais pour innover, il faut des moyens - ce dont Google ne manque pas. En 2011, l'entreprise dont le siège social est à Palo Alto en Californie a généré des profits de 11,6 milliards sur des revenus de 37,9 milliards.

«Ce qui m'a le plus agréablement surpris depuis mon arrivée il y a quatre ans, c'est la résilience de l'économie numérique, immunisée en grande partie contre le contexte économique, dit Patrick Pichette. Peu importe l'état de l'économie, on veut un iPhone ou un téléphone Android. C'est un peu comme GM qui avait bien fait dans les années 30 malgré toutes les tempêtes économiques. L'auto commençait à remplacer les chevaux.»

Prudent, le chef des finances de Google s'est bien gardé de commenter l'arrivée en Bourse du concurrent Facebook.

«Je suis heureux que Facebook soit finalement en Bourse, se contente de dire Patrick Pichette. Au lieu de rester secret, on va voir la vraie performance de l'entreprise. La Bourse obligera Facebook à être transparent comme nous le sommes.»