Trois mois chez Microsoft, à Seattle, incluant argent, conseils et accès aux meilleurs experts de l'industrie: quand on est une petite boîte technologique, c'est le genre d'invitation qu'on ne refuse pas.

Et c'est ce que s'est fait offrir Jintronix, une entreprise montréalaise qui veut réinventer la façon de réapprendre à bouger aux victimes d'accidents vasculaires cérébraux.

Jintronix fait partie des 11 entreprises de partout dans le monde qui ont été choisies par Microsoft pour sa toute première rencontre du Kinect Accelerator.

La Kinect est cette caméra conçue par Microsoft qui détecte les mouvements des joueurs de Xbox et leur permet de jouer sans manette.

Quant au Kinect Accelerator, il s'agit d'un camp pour entrepreneurs destiné à accélérer le développement des entreprises qui ont inventé de nouvelles façons d'utiliser la Kinect.

Ce programme, Jintronix en rêvait. «Quand on a vu qu'ils avaient reçu 500 demandes, on a réévalué nos attentes et on s'est dit qu'on n'avait pas beaucoup de chances. Puis on a appris que des membres du comité de sélection organisaient un événement à Boston. On est descendu là-bas spécialement pour les rencontrer», raconte Justin Tan, l'un des fondateurs et président de Jintronix.

Preuve que les gars ont bien vendu leur salade, c'est de Seattle, où est basée Microsoft, que M. Tan a accepté de raconter l'histoire de Jintronix à La Presse Affaires. Une histoire qui est loin d'être banale.

Ce qui allait devenir Jintronix débute en 2008 par un événement tragique: à la suite d'un infarctus, le père de Justin Tan se retrouve paralysé du côté gauche. Lentement et patiemment, il entreprend une réadaptation pour réapprendre à bouger.

Le jeune Justin, un Montréalais qui étudie alors le génie biomédical au MIT de Boston, décide d'orienter sa thèse de fin de baccalauréat vers la conception de nouveaux appareils pour la réadaptation.

«Je me suis rendu compte que la réadaptation physique se faisait de la même façon depuis des décennies. J'ai pensé qu'il y avait moyen d'améliorer le processus», explique-t-il.

Ce qui le frappe, c'est que les patients doivent se rendre régulièrement dans les cliniques ou les hôpitaux pour y suivre des sessions de réadaptation avec des spécialistes. Or, par définition, ces patients ne sont pas mobiles, et tout déplacement leur est pénible. «Mon père a fini par engager un thérapeute privé qui venait à domicile, raconte Justin Tan. Mais ça lui coûtait 200$ l'heure.»

Le jeune homme se dit qu'il y a moyen de faire mieux. Son premier prototype est bricolé avec une manette Wii de Nintendo. Justin Tan programme des jeux destinés à inciter les patients qui tiennent la manette Wii à effectuer les mouvements nécessaires à leur réapprentissage.

Grâce à diverses bourses et concours du MIT, Justin Tan récolte 100 000$ pour développer ses idées. L'homme revient à Montréal et embarque bon nombre de ses amis dans l'entreprise (Jintronix ne compte rien de moins que neuf cofondateurs!). Ensemble, ils finissent pas abandonner la Wii, jugée trop limitative, et fabriquent leur propre gant numérique capable de capter les mouvements des patients.

Question de s'assurer que les produits répondent aux besoins réels des patients, le groupe travaille en collaboration avec des médecins, notamment ceux de l'Hôpital juif de réadaptation de Laval.

Ce qui guide leur travail est simple: Jintronix veut développer un système peu dispendieux et facile à utiliser à la maison. L'autre avantage de leur technologie est qu'elle permet d'accumuler des données sur la progression des patients, ce qui améliore grandement leur motivation. Les logiciels possèdent même des algorithmes capables d'adapter les jeux offerts aux besoins spécifiques de chaque patient.

C'est lorsque Microsoft a commercialisé la Kinect, une caméra capable de capter les moindres mouvements des joueurs de XBox, que Jintronix a abandonné son gant numérique.

«La réflexion qu'on a faite, c'est que nous étions avant tout une entreprise de logiciel. Nous avons déposé quatre demandes de brevets, et elles sont toutes liées à l'aspect logiciel. Et pour une petite entreprise comme nous, manufacturer du matériel à bas coût, c'est plutôt difficile», dit Justin Tan.

Entre-temps, l'entreprise décroche 700 000$ de divers anges investisseurs, et espère aujourd'hui profiter de la visibilité acquise grâce à Microsoft pour aller chercher 500 000$ supplémentaires. Ces fonds permettraient à Jintronix de tenir jusqu'à ce que les revenus entrent dans les coffres. L'entreprise prévoit lancer son produit au début de l'année prochaine et atteindre le seuil de rentabilité à la fin de 2013.

«Notre but là-dedans n'est pas de devenir millionnaires, précise toutefois Justin Tan. On n'est pas juste une autre entreprise de jeu. Ce qu'on veut avant tout, c'est créer une solution qui puisse vraiment aider les patients.»

Président

Justin Tan

Fondateurs

Justin Tan, Mark Evin, Shawn Errunza, Lex Youssef, Sonny Sung Jun Bae, Christopher Castellano, Daniel Schacter, Antony Robert, Max Graham.

Investisseurs

Microsoft et plusieurs anges financiers.

Le concept en 140 caractères

Jintronix développe des logiciels capables de rendre la réadaptation des victimes d'AVC moins chère, plus efficace et plus accessible.

Objectifs d'ici un an

Commercialiser le produit et atteindre le seuil de rentabilité.