Une importante agence américaine de transports recommande pour la première fois l'interdiction complète de tout appareil électronique portable dans un véhicule motorisé, incluant les cellulaires utilisés en mode mains libres. Au Québec, la suggestion audacieuse qui vise à réduire les nombreuses sources de distraction au volant ne fait pas l'unanimité.

«Nous reconnaissons que c'est une recommandation qui n'est pas populaire, mais nous croyons que les gens peuvent se passer de leurs appareils. Oui, c'est un inconvénient pour les gens qui travaillent dans leur véhicule comme les camionneurs, mais c'est beaucoup plus sécuritaire de se concentrer uniquement sur la conduite», a expliqué au téléphone Deborah A. P. Hersman, présidente du National Transportation Safety Board (NTSB) qui enquête aux États-Unis sur les accidents routiers, aéronautiques, ferroviaires et maritimes.

Une distraction

L'agence indépendante veut ainsi mettre un frein aux accidents causés par des conducteurs absorbés par leurs appareils leur permettant de parler, texter ou mettre à jour leur profil sur les réseaux sociaux. Aux États-Unis, 3000 personnes «distraites» auraient perdu la vie l'an dernier sur les routes.

Au Québec, la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) estime qu'environ 8 % des accidents mortels au cours des cinq dernières années, soit une cinquantaine, ont pour cause première la distraction, une catégorie qui englobe cependant beaucoup d'autres comportements, comme allumer une cigarette ou parler à un passager. La Table québécoise de la sécurité routière évalue quant à elle que 5 % à 8 % des accidents de la route sont liés à l'utilisation du téléphone cellulaire.

C'est à la suite d'une enquête sur un carambolage survenu en 2010 au Missouri que le NTSB a formulé ses recommandations aux États américains le 13 décembre dernier. L'accident spectaculaire, qui a fait deux morts et 38 blessés sur l'autoroute nationale 44 à Gray Summit, impliquait une camionnette, un camion à remorque ainsi que deux autobus d'écoliers.

Selon les enquêteurs, le conducteur de la camionnette âgé de 19 ans avait envoyé et reçu 11 messages texte en l'espace de 11 minutes avant d'emboutir le camion à remorque. Celui-ci avait ralenti puisqu'il entrait dans une zone où des travaux étaient en cours.

Un certain consensus

Selon Mme Hersman, il y a un certain consensus chez nos voisins du Sud quant à la nécessité d'interdire le téléphone et les textos en conduisant, des pratiques qui ne sont pas encore proscrites dans tous les États. Les Américains, a-t-elle dit, sont toutefois beaucoup plus récalcitrants lorsqu'il est question d'abandonner leur habitude de conduire avec un appareil mains libres. «Ce n'est pas tenir un combiné qui est problématique, mais c'est le fait que le cerveau n'est pas concentré sur ce qu'il se passe sur la route», a par ailleurs soutenu Deborah A. P. Hersman.

Le président de la Table québécoise de la sécurité routière, Jean-Marie De Koninck, prédit que «l'audacieuse» recommandation du NTSB aura des échos au Québec. Mais son organisme ne prévoit pas pour l'instant formuler une recommandation au ministère des Transports (MTQ) à ce sujet.

Celui qui a dirigé un groupe de recherche en sécurité routière de l'Université Laval jusqu'à l'an dernier, Guy Paquette, croit de son côté qu'il est trop tard pour espérer que l'interdiction d'appareils mains libres puisse être efficace «compte tenu des habitudes prises et de la difficulté des contrôles».

Au MTQ, des changements dans la loi ne sont pas prévus «pour l'instant», a indiqué la porte-parole Andrée-Lyne Hallée. Le ministère prévoit néanmoins lancer une nouvelle campagne de publicité pour sensibiliser la population aux dangers liés aux messages texte au volant.