Deux frères canadiens veulent offrir Internet à des milliards de personnes sur toute la planète. Raja Singh Tuli et son frère Suneet sont deux entrepreneurs d'origine indienne et élevés au Canada qui possèdent DataWind, l'entreprise ayant commercialisé un gadget appelé la tablette numérique la plus abordable du monde.

DataWind est également la compagnie qui a mis au point la tablette numérique subventionnée par le gouvernement indien et vendue pour 35 $. L'appareil est appelé Aakash, ou «Ciel», en hindi.

L'appareil, qui a été développé et conçu à Montréal, devrait commencer à apparaître sur les tablettes des magasins indiens le mois prochain, et ce pour seulement 60 $.

Les frères expliquent que ce qui rend l'appareil parfait pour les pays en développement est son utilisation d'une technologie spéciale qui permet de naviguer sur Internet à une vitesse environ 30 fois supérieure que celle atteinte normalement sur un réseau cellulaire. La tablette, prénomée UbiSlate, fonctionnerait avec le système d'exploitation Android de Google.

L'accès internet sans-fil ne sera donc pas nécessaire pour se connecter, ce qui est extrêmement important pour les gens qui vivent dans des régions éloignées ou des zones rurales.

Il faudra compter 2 $ de plus par mois pour un accès Internet illimité, et le plan vise à permettre aux gens vivant même dans les zones les plus reculées d'être connectés, rétrécissant du coup l'important fossé numérique indien.

Cela signifie que les fermiers auront accès aux prévisions météo, l'armée des petits dirigeants d'entreprises indiens pourront se connecter à eBay et à leur serveur de courriels; et, bien tendu, cela signifie aussi des choses que les Canadiens tiennent pour acquises comme le réseautage social et les informations sur les écoles.

«Dans ces villages, il n'y a pas d'autres façons d'avoir accès à internet, et la population n'a jamais pu y accéder auparavant», raconte Raja Singh Tuli. On parle de gens qui n'ont jamais eu de gadget de cette taille, et n'ont probablement jamais regardé autre chose qu'un écran de télévision.»

La stratégie est apparue au Canada, explique l'entrepreneur, dans les bureaux encombrés de DataWind, au 11e étage d'une tour à bureaux de Montréal. La compagnie a également des bureaux à Toronto, et son siège social est situé en Grande-Bretagne.

Les frères Tuli sont arrivés au Canada en provenance de l'Inde en 1980, lorsque leur père, un ingénieur civil, s'est installé à Edmonton.

Ils ont tous deux obtenus le titre d'ingénieur civil à l'Université de Toronto et sont entrepreneurs depuis longtemps, concevant ce qui a déjà été reconnu par le Livre des records Guiness comme le plus petit télécopieur du monde.

Selon M. Tuli, le problème en Inde est le même qui existe dans des marchés émergeants comme l'Afrique et l'Asie du Sud-Est, soit un manque d'infrastructures et d'un produit abordable permettant d'accéder à internet.

Au cours des dernières années, les tentatives pour relier les Indiens au web se basaient fortement sur un accès sans-fil très développé qui n'existe tout simplement pas. Seule une petite fraction des familles indiennes possède un accès sans-fil.

Cependant, 800 millions d'Indiens, et cinq milliards de personnes de partout sur la planète possèdent un téléphone cellulaire. En Inde, il en coûte environ 5 $ par mois pour un service téléphonique sans-fil. Ce réseau cellulaire est ce sur quoi la technologie de DataWind, développée pendant plusieurs années à Montréal, se base.

«Nous avons une technologie qui réduit la quantité de données nécessaires pour naviguer sur internet par un facteur d'environ 30, voilà l'essentiel de ce que nous faisons, explique M. Tuli. Nous sommes capables d'utiliser l'appareil sur ces réseaux à basse vitesse qui sont disponibles partout et nous sommes en mesure d'acheter cette bande passante et de la vendre à un très bas prix.»

La tablette UbiSlate est en élaboration depuis 18 mois. Le produit comprend désormais un écran de sept pouces de diagonale, le système d'exploitation Android 2.2, un modem intégré, deux ports USB et 256 mégaoctets de mémoire vive.

Les deux frères disent avoir réussi à garder les coûts bas parce qu'ils forment une entreprise davantage «intégrée verticalement» que d'autres. Les pièces provenant de partout dans le monde sont assemblées dans une usine d'Hyderabad, en Inde.

«Ce n'est pas le PlayBook, ce n'est pas le iPad, l'appareil ne vous donnera pas le même genre de performance, reconnaît volontiers M. Tuli. On ne peut pas y jouer à Angry Birds, l'appareil n'affiche pas de graphismes 3D.»

La UbiSlate, par contre, explique-t-il, accomplit bien deux tâches : offrir un accès internet décent, ainsi que la capacité de jouer des vidéos en haute définition - un aspect essentiel pour une Inde obsédée par Bollywood.

Un petit clavier peut être acheté en supplément, ce qui vient convertir la tablette en un ordinateur ultraléger.

Le modèle indien ne nécessitera pas d'électricité pour en charger la pile. Un petit panneau solaire qui génère environ deux watts d'énergie par jour, sous le soleil indien, sera suffisant pour alimenter l'appareil.

Selon une étude d'une association indienne de l'industrie, moins de 10 pour cent des Indiens ont accès à Internet. Il y aurait environ 112 millions d'internautes, les trois quarts d'entre eux vivant dans les plus grandes villes.