Au coeur de nombreux débats au MIPTV à Cannes, la TV connectée s'annonce comme la révolution qui va bouleverser les usages et accroître la concurrence avec l'arrivée des géants du web, un défi que les chaînes françaises s'affirment prêtes à relever.

Qu'est-ce que la TV connectée? Celle-ci n'a pas de définition précise car son développement est en cours. Pour résumer, elle permet au téléspectateur muni de sa seule télécommande d'accéder au web avec fluidité et simplicité. L'objectif n'est pas de remplacer l'ordinateur, mais d'enrichir considérablement l'offre de la télévision.

Passif depuis des décennies, le téléspectateur est désormais invité à être actif: des applications (widgets) apparaissent à l'écran et lui permettent d'accéder à des services comme les programmes TV et la météo, ou aux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.

Mieux encore, elle offre la possibilité d'accéder à de la télévision de rattrapage et, surtout, à des plateformes de vidéos à la demande.

Et c'est là que se situe un des plus gros dangers pour les chaînes. En théorie, rien n'interdit à un producteur de films ou de séries, voire à une fédération ou une ligue sportive, de se passer d'une chaîne traditionnelle pour diffuser ses contenus, en les distribuant directement ou en les confiant à une société du genre de Netflix, spécialisée dans la location de films, ou Google.

Lundi, peu après l'inauguration du MIPTV, le grand salon international des programmes audiovisuel, le ministre de la Culture et de la Communication a ainsi évoqué «un tsunami» à propos de la TV connectée, d'autant que beaucoup de géants du web, domiciliés à l'étranger, ne paient guère de taxes en France et ne participent pas au soutien à la création.

«Les chaînes sont habituées à un univers fermé. Là, elles risquent de voir leurs contenus noyés dans la masse», analyse Sophie Girieud, consultante à l'Idate, un centre d'études spécialisé. «Le risque, c'est aussi que l'écran soit parasité par des widgets» invitant à aller voir ailleurs, ajoute-t-elle.

Pour autant, les chaînes ont encore bien des atouts: leur marque, leur savoir-faire, leur expérience. «Pour construire les usages, il y a toujours besoin d'univers balisés», précise Sophie Girieud, qui pointe aussi «la force de l'habitude» chez les téléspectateurs.

«C'est une vague, mais on pense qu'on a le surf pour la surfer», analyse également Rodolphe Belmer, directeur général de Canal+.

S'il pointe la fragmentation - «avec énormément de contenus disponibles, les chaînes historiques vont voir leur audience se réduire» -, il estime que la chaîne cryptée va s'en sortir en investissant encore plus sur ses points forts, «le sport, le cinéma français et la création originale».

A TF1, Régis Ravanas, président de e-TF1, assure seulement craindre «le parasitage de (ses) programmes par des applications». Pour le reste, dit-il, le web est «une opportunité pour créer du +buzz+ et du lien».

Et puis, souligne-t-il, «la TV, dont la consommation ne cesse de progresser, est un moment familial». En d'autres termes, les téléspectateurs, plutôt que de zapper frénétiquement, aiment se retrouver devant des rendez-vous réguliers et fédérateurs, du genre de ceux dont on discute à la machine à café le lendemain.

À Cannes, un autre dirigeant de chaîne française, qui a souhaité demeurer anonyme, s'est en revanche dit moins optimiste: «on est quand même petits par rapport à Google ou Yahoo. Et on a bien vu ce qui s'est passé dans la musique: en quelques années, Apple est devenu un acteur majeur et incontournable. Alors pourquoi pas dans la TV ?».