Prendre une photo avec son téléphone, la partager instantanément avec les personnes, même inconnues, autour de soi: c'est le concept de «Color», un nouveau réseau social de proximité lancé par un crack de la Silicon Valley.

L'application, gratuite, a été lancée jeudi pour les téléphones multifonctions iPhone d'Apple et ceux équipés du système d'exploitation Android (Google).

«À chaque fois que vous lancez l'application (...), cela vous connecte avec tous les autres téléphones autour de vous», explique à l'AFP le créateur du logiciel, Bill Nguyen, lors d'une démonstration au siège de son entreprise à Palo Alto, en Californie.

En clair, Color permet à un utilisateur de prendre des photos ou des vidéos grâce à un téléphone et de les rendre immédiatement accessibles à tous les autres utilisateurs se trouvant dans un périmètre limité à environ 45 mètres.

Contrairement à la plupart des réseaux sociaux, consulter le contenu publié par un utilisateur ne nécessite donc pas d'être son «ami». Mais si les utilisateurs peuvent conserver les images partagées, le lien qu'ils ont noué se rompt sitôt qu'ils s'éloignent les uns des autres.

Dans le cas d'un concert par exemple, Color permet de voir les photos de personnes situées plus près de la scène. «En gros, toutes les appareils photos qui se trouvent autour de vous deviennent votre propre appareil photo», affirme M. Nguyen.

Séduit par l'idée, trois investisseurs -Bain Capital, Sequoia Capital, et Silicon Valley Bank- ont injecté 41 millions de dollars dans Color, qui entend gagner de l'argent en introduisant de la publicité dans les flux d'images.

Bill Nguyen n'en est pas à son coup d'essai: il est le créateur de Lala.com, un service d'échange de musique en ligne, racheté grassement par Apple en décembre 2009.

Après avoir un temps travaillé pour le groupe à la pomme croquée, Bill Nguyen a plié bagages en septembre dernier pour se consacrer à Color.

«Nous créons quelque chose de vraiment nouveau: ce réseau va être fabriqué par les personnes qui sont les unes à côté des autres», clame M. Nguyen, qui ambitionne d'apporter quelque chose en plus que Facebook, leader des réseaux sociaux avec plus d'un demi-milliard de membres.

«Publier des photos sur Facebook consiste à adopter une perspective un peu égocentrique: c'est vous et votre vision de la vie», estime M. Nguyen. «On pensait que c'était un peu limité et qu'on pouvait faire mieux».

«Quand vous commencerez à utiliser (Color), vous réaliserez que vos voisins et vos collègues sont vraiment sympas et que vous avez envie de faire la bringue avec eux (...) et, avec un peu d'espoir, vous passerez peut-être un peu de moins de temps sur Facebook à raconter à vos anciens potes de lycée ou d'université à quel point vous avez réussi dans la vie», dit-il.

Restent les questions sur la vie privée que n'a guère tardé à soulever la presse américaine. Color promet que ceux qui commettront des abus seront bloqués.

«Il n'y a aucun moyen de savoir comment les gens vont utiliser» Color, note Melissa Bell, une blogueuse du Washington Post. «Est-ce que cela va réinventer les rencontres entre les individus? Est-ce que cela va permettre de repenser la manière dont nous partageons les photos?».

«Ou l'application va-t-elle dérailler à la manière du nauséabond Chatroulette.com (site de visioconférences aléatoires devenu un repaire d'exhibitionnistes en tous genres, ndlr) où votre fil est inondé de photos que vous n'aviez vraiment, vraiment pas, envie de voir?».