En pleine expansion dans les téléphones, le système Android de Google est en train de s'imposer comme le moteur de choix de dizaines de tablettes espérant contrebalancer la domination d'Apple, et pourrait réorienter l'identité du groupe californien.

En vedette au salon de l'électronique grand public CES à Las Vegas: le système Honeycomb (nid d'abeille), dit aussi Android 3.0. Il équipera la très attendue tablette Xoom (prononcer «zoom») de Motorola Mobility, ainsi qu'un prochain appareil de Samsung, et un autre de LG.

De très nombreux autres fabricants, Dell et Lenovo entre autres, ont également retenu Android.

Ces annonces en cascade interviennent alors qu'Android vient de se hisser au deuxième rang des systèmes d'exploitation les plus utilisés dans les téléphones intelligents aux États-Unis, selon des chiffres publiés jeudi par le cabinet ComsCore, avec une part de marché de 26% (+ 6,4 points en trois mois), se rapprochant des systèmes BlackBerry en perte de vitesse (33%) et dépassant l'iPhone (25%).

«Honeycomb est partout au CES», notait jeudi l'analyste financier Youssef Squali, chez Jefferies - alors même que paradoxalement Google n'expose pas.

«Le succès de Google dans le portable est une victoire majeure pour un groupe qui avait été critiqué par beaucoup parce qu'on considérait qu'il n'avait qu'une corde à son arc», son moteur de recherche, notait M. Squali.

Au cabinet Forrester, l'analyste Sarah Rotman Epps a estimé que le succès d'Android, et en particulier de Honeycomb, qui confirme la crédibilité de Google auprès des fabricants, «représente une bien plus grande menace pour Microsoft que pour Apple».

«Sur les 24,1 millions de tablettes que nous pensons que les consommateurs américains achèteront en 2011, la majorité restera des iPads, mais les consommateurs à la recherche d'une alternative meilleur marché et riche en fonctionnalités se tourneront vers Google, et non Microsoft», a fait valoir Mme Rotman Epps.

Au CES, les tablettes sous Windows sont comparativement rares. Lors de son discours d'ouverture mercredi soir, le patron de Microsoft Steve Ballmer a montré plusieurs projets d'appareils intéressants, dus notamment aux asiatiques Acer et Asus - mais sur quatre tablettes ou hybrides tablettes/ordinateurs présentés par Acer, trois marchent sous Android, un seul sous Windows.

Comble de l'insulte, le chinois Lenovo marie Windows et Android dans son appareil le plus remarqué du salon, l'hybride IdeaPad U1: dans sa forme ordinateur portable, l'U1 fonctionne sous Windows 7. Mais lorsque l'écran est détaché pour devenir une simple tablette, baptisée «LePad», on bascule sur un système Android - comme si Lenovo jugeait décidément Windows inadapté aux tablettes.

Mercredi Microsoft a annoncé qu'il travaillait désormais avec des fabricants de microprocesseurs spécialisés dans l'équipement des appareils portables, dont Nvidia et Qualcomm, laissant deviner une réorientation sur ce segment.

Mais une nouvelle fois, le groupe de Seattle, qui peine aujourd'hui à s'imposer dans les téléphones, risque de débarquer en retard sur un segment où d'autres auront déjà pris le large.

Petite consolation pour Microsoft: Android est un système ouvert et gratuit, et «personne ne sait si Google gagne de l'argent avec», note Mme Rotman Epps.

En revanche, avec les applications Google qui sont inclues dans Android, le moteur de recherche, la messagerie Gmail et les outils de production de documents, la popularité de ce système risque de grignoter encore la part de marché de Microsoft dans ses activités les plus rentables.