Est-ce un livre? Un film? Un jeu vidéo? Editeurs et auteurs présents à Francfort en Allemagne où s'est ouvert mercredi le plus important rendez-vous mondial de l'édition, rivalisent pour attirer une nouvelle génération de lecteurs vers des produits multimédias.

Le monde de l'édition a été chamboulé par l'apparition du livre électronique, qui rentre dans les moeurs. Mais ce n'est pas assez pour les jeunes lecteurs qui ont faim d'interaction et de variété.

Si l'«ebook» monopolisait les débats lors des dernières éditions de la Foire du Livre de Francfort, c'est le«livre électronique amélioré» - objet hybride à la fois livre, jeux et plate-forme vidéo - qui occupe le devant de la scène en 2010.

«Dans cinq ans, les livres seront le plus souvent des produits multimédias, avec sons incorporés, images animées, liens internet et probablement une fonction ludique, comme des jeux de réalités virtuelles», estime Juliane Schulze, de la société de conseil Peacefulfish.

De grands noms de l'édition mondiale se penchent déjà sur ce nouveau format.

Ken Follett, un poids lourd parmi les écrivains contemporains, doit présenter cette année à Francfort une version multimédia de son ouvrage à gros tirage, «Les Piliers de la terre».

En touchant l'écran, les lecteurs du «livre» sur iPad pourront voir des extraits de l'adaptation télévisée de l'ouvrage, des entretiens avec l'auteur ou les acteurs, et suivre les relations entre certains personnages grâce à une arborescence interactive.

Le monde numérique a sa propre section à la Foire cette année, et il pourrait bientôt peser 10% du chiffre d'affaires de l'édition, selon Gottfried Honnefelder, président de l'Association allemande des éditeurs et des libraires, contre 1% actuellement.

Qbend, une société qui aide les maisons d'édition à développer leur offre numérique, table sur une croissance du marché du livre électronique de 42% par an en moyenne entre 2010 et 2012.

Essentiellement distribué aux États-Unis et en Grande-Bretagne pour le moment, le livre électronique amélioré devrait bientôt l'être partout, prévoit Andrew Weinstein, vice-président du distributeur de livres américain Ingram.

«Tout commence avec un livre. L'amour de la lecture démarre environ vers trois ans, quand on choisit pour la première fois son livre préféré. Dix ans plus tard, ce livre peut bien être en fait un écran», assure de son côté, Cornelia Funke, auteur-phare de la littérature enfantine allemande.

Mais une contre-offensive s'organise, les défenseurs du format traditionnel assurant que les lecteurs préfèrent posséder des livres reliés par sécurité, comme ils impriment leurs photos numériques favorites.

«Prenez l'exemple des montres à quartz», suggère Gordon Cheers, un éditeur australien qui est venu présenter ce qu'il affirme être le plus grand livre du monde à Francfort - un objet aux antipodes de l'univers numérique.

«Dans les années 1980, tout le monde était persuadé que la montre à quartz sonnerait le glas des fabricants de montres traditionnelles. Evidemment, certains ont mis la clé sous la porte, mais les montres à aiguilles ont fini par revenir et tout le monde en porte aujourd'hui», précise-t-il.

«La même chose arrivera avec les livres. Donnez leur 5 ou 10 ans, et il reviendront en grâce», assure-t-il.

«Beaucoup d'adolescents me disent qu'ils ne lisent que sur leurs écrans électroniques. Mais ils me disent aussi que quand ils aiment vraiment un livre, ils vont l'acheter», confirme Mme Funke.