Jouer à un jeu de société en se passant d'un plateau, de pions, de cartes ou de billets: de plus en plus d'entreprises tentent le pari de la dématérialisation et utilisent l'iPad comme support pour leurs créations.

«À son lancement, Apple a beaucoup communiqué sur la musique, les films, internet... Ils n'avaient pas anticipé l'éventualité d'en faire un outil pour les jeux de société», explique à l'AFP Vincent Dondaine, co-fondateur et directeur général du studio Bulkypix, notamment spécialisé dans le développement d'applications pour les machines du géant américain.

Selon Benjamin Goacolou, organisateur du salon Le Monde du jeu à Paris, l'iPad est appelée à s'imposer comme «une malette de jeux» à l'avenir.

«L'intérêt de tous est perceptible même si nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements. Pour preuve, nous avons dû concevoir les premières bornes de démonstration horizontales car elles n'existaient pas. Seules des versions verticales avaient été imaginées, ce qui n'est pas l'idéal pour un jeu de société», constate-t-il.

Premier à s'être engouffré dans la brèche, l'éditeur franco-américain Days of Wonder a d'abord conçu des jeux de société traditionnels avant de se lancer dans l'aventure du dématérialisé.

Sa franchise «Small World» s'est écoulée à 25 000 exemplaires sur le marché en ligne AppStore depuis son lancement au printemps, à comparer aux 65 000 boîtes physiques vendues depuis 2009.

«La grande force de l'iPad, c'est de faire parvenir à faire oublier qu'il n'est pas un plateau de jeu. Et il permet de garder un côté convivial puisque plusieurs personnes peuvent prendre place autour de lui», dit le président de Days of Wonder, Eric Hautemont.

Par ailleurs, s'amuse-t-il, «comme la machine compte les points, ceux qui avaient l'habitude d'avoir recours à quelques "astuces" et à tricher pour gagner vont devoir changer de stratégie».

Perçu comme un nouveau relais de croissance par les créateurs, l'iPad ne remplacera pas le plateau avec ses pions et ses billets, prédit le responsable du site internet spécialisé dans les jeux de société Trictrac.net, «Monsieur Phal», qui préfère ne donner que son pseudonyme.

«Les gens aiment toucher les objets. Et puis, tout le monde est superstitieux. Nous avons tous une technique personnelle pour lancer les dés, ce que ne permettra jamais de faire une machine», insiste-t-il. Il reconnaît néanmoins que l'apprentissage des règles est plus aisé sur l'iPad, qui peut simuler des parties et présenter les divers cas de figure possibles.

Tous s'accordent en tout cas pour dire que le secteur du jeu de société, très limité en France, ne peut que tirer parti de ce nouveau vecteur, qui devrait attirer vers le marché physique des joueurs jusqu'à présent réfractaires.

Days of Wonder assure ainsi vendre actuellement autant de boîtes que de versions iPad de «Small World».

Quant à l'avantage économique que peut représenter un jeu de société dématérialisé, sans toutes les pièces à fabriquer, les développeurs préfèrent se montrer discrets, indiquant simplement que le coût de création des deux versions est «relativement semblable».