Avec des prix toujours plus cassés, les fabricants de tablettes de lecture sont engagés dans une course au prix d'équilibre qui en fera un accessoire de poche bon marché, ne craignant plus la concurrence des tablettes multimédias du type iPad.

Ces derniers jour Amazon, pionnier sur le segment avec son Kindle, a accentué le mouvement en faisant passer la version de base de son appareil à 139 dollars, le prix le plus modeste sur le marché pour un appareil connecté (aux réseaux internet sans fil wifi seulement).

«Cet appareil (...) vise clairement le grand public, et se rapproche du prix pivot de 99 dollars», soulignait jeudi l'analyste Justin Post (Bank of America).

Pour plusieurs analystes, maintenant que le marché de l'édition électronique est lancé, et que les tablettes à usage unique pour la lecture sont concurrencées par l'iPad d'Apple (bien plus cher à partir de 499 dollars), le segment ne trouvera son salut que dans la banalisation d'un petit objet bon marché que les consommateurs pourront emporter partout avec eux.

A en croire Shawn DuBravac, économiste à la Consumer Electronics Association américaine (CEA), en menant la course aux prix cassés dans les tablettes de lecture, Amazon pourrait hâter ce mouvement.

A 139 dollars, a-t-il expliqué à l'AFP, Amazon atteint «un prix très intéressant pour quelqu'un qui veut un appareil doté d'une fonction principale».

«On achète plus qu'un Kindle à 139 dollars, on accède à un environnement plus large: grâce à l'application Kindle sur mon iPad, je peux y lire mes livres, je peux aussi prendre le Kindle à la plage et laisser mon iPad à la maison», explique M. DuBravac.

Et vu que les Américains sont de plus en plus équipés en électronique, ajoute-t-il, «le consommateur peut choisir l'appareil qui convient le mieux selon les circonstances».

En mai, le patron fondateur d'Amazon Jeff Bezos avait expliqué que les outils de lecture concurrents, tablettes informatiques ou téléphones portables ne se substitueraient pas à la tablette de lecture dédiée, s'appuyant sur l'exemple de la photographie.

«J'ai un appareil photo dans mon téléphone, j'aime bien parce que je l'ai toujours avec moi, c'est super utile (...), mais j'ai deux autres appareils, un petit compact que je prends en balade et un gros Reflex», expliquait-il à ses actionnaires inquiets.

En baissant les prix, Amazon a toutes les chances de gonfler les ventes: il vend déjà trois fois plus d'appareils depuis que la version connectée aux réseaux 3G est passée de 259 à 189 dollars il y a un mois - une chute de prix spectaculaire puisqu'au printemps 2009 encore le Kindle se vendait 359 dollars.

Nombre d'analystes tablent déjà sur de prochaines baisses de prix à moyen terme, sans exclure qu'Amazon vende l'appareil à perte, sacrifiant la rentabilité à la part de marché, ce qui est la stratégie du distributeur depuis sa fondation en 1995.

«Suivant la stratégie du rasoir jetable, Amazon semble dégager une faible marge sur l'appareil, pour se rattraper sur les lames», en l'occurrence les titres électroniques, explique l'analyste Paul Ausick, sur le site 247WallSt.com. Il ne cache toutefois pas ses doutes sur les marges que peut dégager Amazon sur les ventes de titres électroniques.

M. Bezos, lui, table manifestement sur une explosion des volumes de ventes. «C'est difficile à dire avec certitude, mais je prédis que nous vendrons plus (de livres électroniques) que de livres de poche dans les neuf à 12 mois», a-t-il dit à USA Today.

Le distributeur, premier libraire d'Amérique, a déjà annoncé qu'il vendait plus de e-livres que de premières éditions, et que l'écrivain suédois Stieg Larsson, auteur de la série Millenium, avait dépassé le seuil du million d'e-livres vendus.