Peur de prendre l'ascenseur, phobie de l'avion, des araignées ou des grands espaces publics : la réalité virtuelle peut aider le patient à apprivoiser ses émotions sans paniquer et à reprendre confiance en lui. 

«Ce qui fait peur c'est l'idée qu'on se fait, c'est pas l'ascenseur lui-même ou le supermarché qui est dangereux», explique Saïd Mezine, psychiatre à l'hôpital de Laval (Mayenne), soulignant l'intérêt d'une application présentée lors des 12è Rencontres internationales de la réalité virtuelle à Laval, en France.

Chez le phobique, «le problème c'est l'anxiété», qui le conduit à «surévaluer un risque» et à «éviter les situations» où il craint de paniquer, ajoute-t-il. «Or plus on évite, plus on redoute, plus on vit dans la peur d'avoir peur», d'où la nécessité, selon ce spécialiste des thérapies cognitives et comportementales (TCC), d'exposer graduellement le patient à ce qu'il cherche à fuir.

Muni d'un casque l'immergeant dans un monde virtuel en 3-D, il peut être incité à vaincre peu à peu ses peurs. Le claustrophobe redoutant les endroits confinés sera invité à emprunter un ascenseur fermé, l'agoraphobe un ascenseur extérieur aux parois vitrées laissant voir la ville à ses pieds, selon le scénario mis au point par les sociétés Didhaptic et Enozone.

Premiers pas : rentrer dans l'ascenseur, choisir l'étage plus ou moins élevé, attendre la fermeture des portes. Ensuite, supporter d'être enfermé ou de voir le vide, alors que les images correspondantes défilent devant vos yeux.

Des démonstrations sont faites par un animateur, tandis qu'un grand écran montre ce qu'il voit, mais l'expérience peut aussi être tentée par les visiteurs du salon Laval Virtual qui se déroule du 7 au 11 avril.

Un capteur positionné sur l'index permet de mesurer le rythme cardiaque de celui qui tente de vaincre sa peur, un indicateur de son état émotionnel.

«Il ne faut pas faire subir des émotions insupportables au patient», mais au contraire «mettre en place une dynamique positive», souligne le psychiatre.

Pour vaincre le vertige, l'expérience virtuelle va plus loin. Harnaché comme un alpiniste, l'utilisateur qui reste à moins d'un mètre du sol dans le monde réel, voit une rue des dizaines de mètres plus bas, comme s'il était suspendu dans le vide dans un univers d'immeubles.

Une simulation qui peut servir à la formation aux métiers en altitude comme laveur de carreaux.

Marc des Rieux, directeur de la société Didhaptic, explique que l'animation «Virtual Handi-tool» créée à la demande de l'agglomération de Laval, est une «boite à outils» à mettre à la disposition de thérapeutes.

«C'est pas cher et c'est relativement facile à faire, car les patients ne sont pas franchement exigeants sur le réalisme», ajoute-t-il faisant état de résultats positifs de ce type de thérapie au Québec et aux États-Unis.

Stéphane Bouchard (laboratoire de cyberpsychologie de l'université du Québec), qui a passé en revue une quarantaine d'études sur le traitement de phobies (araignées, avion, conduite auto...), en conclut que «la majorité d'entre elles montrent que l'exposition in virtuo (virtuelle) est efficace et constitue une alternative intéressante à l'exposition in vivo» (réelle), selon un article publié en 2008 dans le premier numéro du «Journal of cybertherapy and rehabilitation».

Son collègue Frédéric Banville (Centre de réadaptation physique Le Bouclier, Québec), a souligné à Laval le rôle que peut aussi jouer la réalité virtuelle dans le traitement de patients ayant des difficultés d'orientation spatiale.