Implants cérébraux miniaturisés, invisibles puces communicantes cachées sous la peau : réelles ou relevant encore de la fiction, des technologies susceptibles de menacer les libertés voire l'homme lui-même suscitent craintes et interrogations éthiques.

Peut-on augmenter les performances humaines, voire risquer de faire disparaître la frontière entre humain et non humain?

Posée, mais peu discutée, lors du débat public sur les nanotechnologies lancé en octobre et clos mardi prochain, la question a aussi été abordée lors d'auditions préparant la révision des lois de bioéthique en France.

Désignée par l'expression «convergence NBIC», l'association des nanotechnologies avec informatique, sciences cognitives et biotechnologies fait pour certains craindre le pire.

«Cette convergence inaugure-t-elle l'hybridation du vivant et de l'inerte, de l'esprit et de la machine?», interroge l'association grenobloise «Pièces et main d'oeuvre» (PMO).

Autre conséquence de cette convergence, des puces à radiofréquence (RFID), rendues invisibles à force d'être miniaturisées pourraient être implantées dans le corps humain facilitant une «surveillance démultipliée», selon Gwendal Le Grand, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Pour les militants de PMO, le projet de centre de recherche Clinatec du CEA à Grenoble visant à «nous mettre des nanos dans la tête» nous rapproche «irrémédiablement des cyborgs et autres hommes bioniques», ont-ils répondu par mail à l'AFP.

Opposés au débat public sur les nanotechnologies qu'ils ont cherché à empêcher dans plusieurs villes, ils croient voir des «propagandistes de "l'homme augmenté", des "transhumanistes" aux commandes d'institutions scientifiques américaines ou européennes».

Tout en estimant qu'à «trop vouloir réguler, on risque de tuer l'innovation», François Berger, directeur du laboratoire Nanomédecine et cerveau de l'Institut de neurosciences de Grenoble, a résumé les interrogations éthiques, le 22 septembre devant des parlementaires.

«Que penser de l'humanité modifiée, à savoir la machine dans l'humain? Jusqu'où doit-on aller dans le domaine de la médecine d'amélioration?».

Des électrodes implantées dans le cerveau permettent déjà, via la neurostimulation, de traiter la maladie de Parkinson, des troubles obsessionnels compulsifs voire des dépressions rebelles à d'autres soins.

«Sur le plan éthique, l'utilisation non-encadrée de la neurostimulation en psychiatrie pourrait représenter un risque de dérives majeures comme cela a été le cas pour la lobotomie», a mis en garde le Pr Berger devant les députés.

Le risque de «manipulation mentale», via des implants cérébraux, avait récemment été souligné par des chercheurs du CNRS et de l'Institut national de la recherche en informatique et automatique (INRIA) dans des rapports sur l'éthique.

Destinés à supprimer le risque d'hématomes dans le cerveau lorsqu'on y implante des électrodes, les traitements futurs pourraient entraîner d'autres dangers.

"Nous sommes capables aujourd'hui d'injecter dans le sang des nanoparticules multifonctionnelles afin qu'elles atteignent le cerveau. Demain, nous pourrons les stimuler de l'extérieur", a précisé le Pr Berger.

«Sur un plan éthique», les perpectives offertes par la miniaturisation pourraient être «discutables», reconnaît-il, même si le «cerveau synthétique» reste du domaine de la science-fiction.

Intervenant dans le débat sur les nanotechnologies, une «Association française transhumaniste» défend pour sa part l'idée d'une amélioration de l'homme face aux «phobies» devant «ce qui peut être vécu comme un outrage à la Nature».