Amazon ne pourra plus brader l'édition numérique: le distributeur sur internet, fabricant de la tablette de lecture Kindle, s'est vu contraint par un éditeur américain de renoncer à imposer des prix plancher pour sa librairie électronique.

Durant le week-end, Amazon a annoncé qu'il n'avait d'autre choix que de «capituler» face aux exigences de Macmillan, l'une des plus prestigieuses maisons d'édition américaines, filiale du groupe d'édition allemand von Holtzbrinck, qui compte à son catalogue des classiques comme Lewis Carroll ou Rudyard Kipling mais aussi des auteurs à succès comme Dan Brown (Da Vinci Code).Après avoir pendant deux jours carrément désactivé le lien vers les titres Macmillan sur son site, le géant de la distribution sur internet a annoncé qu'il baissait les armes: «nous devrons capituler et accepter les termes de Macmillan», a expliqué Amazon dimanche, regrettant de devoir accepter des prix «inutilement élevés».

Les best-sellers numériques de MacMillan seront donc vendus entre 13 et 15 dollars sur Amazon, au lieu de 10 jusqu'à présent. L'éditeur devrait gagner autant qu'auparavant et Amazon engranger une commission représentant 30% du prix de vente, alors que tous les analystes pensent que jusque-là, il vendait à perte.

Ces promesses de gains n'ont pourtant valu à Amazon que quolibets sur internet et pertes à Wall Street (le titre a perdu 5,21% à 118,87 dollars en séance lundi).

Sur son blog «Whatever», l'écrivain John Scalzi a fait une liste de sept raisons pour lesquelles «Amazon s'est planté» dans cette controverse, en s'attirant en particulier les remontrances des auteurs temporairement disparus du site, de leurs fans et d'internautes déçus de ne pas avoir été correctement informés.

À plus long terme, selon des analystes financiers comme Sandeep Aggarwal, de la maison de courtage Collins Stewart, cette bataille illustre un affaiblissement du pouvoir d'Amazon sur les éditeurs, qui peuvent désormais tous espérer la même liberté de fixer le prix des livres numériques.

«La plateforme Amazon risque de perdre son avantage» concurrentiel, au moment même où Apple se prépare à rivaliser avec sa tablette iPad, attendue en magasins fin mars, souligne cet analyste.

En outre, remarque Justin Post, de Bank of America, «on ne peut pas exclure qu'Amazon réduise encore le prix du Kindle (peut-être entre 200 et 240 dollars)», pour que la différence de prix apparaisse encore plus à son avantage face à l'iPad, ce qui rognerait ses marges.

Actuellement, le Kindle est vendu 259 dollars, alors qu'Apple a annoncé 499 dollars comme prix d'entrée pour l'iPad.

Du côté des éditeurs et des auteurs, on se réjouit de la victoire de Macmillan sur Amazon, un distributeur risquant d'abuser de sa position dominante.

«Tout le monde savait qu'Amazon ne pouvait pas vendre éternellement» à perte, a déclaré à l'AFP le directeur du Syndicat des auteurs (Author's Guild), Paul Aiken.

«Ce que nous craignions tous, c'est qu'un jour, Amazon sente sa part de marché suffisamment forte et ait vendu assez de Kindle pour (...) exiger que les éditeurs lui vendent des livres nettement en-dessous de 9,99 dollars, et que les auteurs touchent beaucoup moins», a-t-il ajouté.

Mais le vainqueur de cette bataille n'est pas certain.

Pour James McQuivey, du cabinet de marketing Forrester, même si d'autres éditeurs que Macmillan imposent le même changement de rémunération à Amazon, bientôt, «certains décideront de baisser leurs prix».

«À ce moment-là», remarque cet analyste, «Amazon gagnera plus d'argent que maintenant». Et avec des livres à 9,99 dollars, sur lesquels il empochera sa commission, cela laissera moins d'argent aux éditeurs et aux auteurs.