À peine dévoilée par Steve Jobs, la nouvelle création d'Apple a soulevé les critiques. Trop chère. Limitée. Réservée à une élite. D'autres produits font déjà la même chose. Ça ne se vendra jamais.

C'était en octobre 2001. Apple venait de lancer un baladeur numérique de 400$, et pratiquement personne n'en voyait l'utilité.

«Apple tente clairement d'imiter Sony, avait alors dit un analyste de la firme Technology Business Research interviewé par CNET News au sujet du iPod. Apple n'offre pas un grand choix. Lancer un tel produit est risqué, surtout s'il n'est pas offert à un prix très abordable.»

Huit ans et 240 millions de iPod vendus dans le monde plus tard, le géant californien annonce un nouveau produit inédit: le iPad. Une tablette tactile au nom légèrement ridicule, attendue depuis des années par les fans de l'entreprise.

Comme le iPod, le iPad n'est pas le premier produit de sa catégorie à arriver sur le marché. Mais c'est la première tablette tactile conçue pour ne faire qu'une seule chose: tirer parti des possibilités de l'internet.

La dernière décennie a vu exploser l'utilisation du web. Or, notre rapport à l'internet se fait surtout avec des ordinateurs dont l'aspect n'a pas vraiment changé depuis 20 ans. La façon la plus confortable de consulter le web est encore d'être assis à un bureau. Avez-vous déjà essayé d'aller sur Facebook couché dans un hamac, un ordinateur portable tenu à bout de bras?

Steve Jobs prétend avoir trouvé la solution. La tablette proposée par Apple, qui coûte 499$ pour le modèle de base, est liée à trois boutiques en ligne (iTunes Store, iBooks Store et l'Application Store). En faisant glisser leur doigt sur l'écran de verre, les usagers pourront acheter des livres électroniques, de la musique, des jeux vidéo, des logiciels.

La tablette se synchronisera avec vos photos, votre musique, votre carnet d'adresses. Le iPad permettra aussi de faire des appels téléphoniques par le réseau Skype, notamment. La dernière création d'Apple est loin d'être parfaite. Le iPad ne prend pas de photos et ne permet pas de faire fonctionner plus d'une application à la fois. Le iPod lancé en 2001 n'était pas non plus une machine à visionner des films et à réserver des billets de cinéma. Huit ans plus tard, qui s'en plaint?

Déluge d'applications

Avec le iPhone et le iPod, Apple a réussi à harnacher le travail de milliers de programmeurs qui proposent plus de 140 000 applications gratuites ou payantes. Certaines entreprises touchent des millions de dollars de cette façon. L'iPad promet de déclencher une nouvelle vague d'applications.

Les éditeurs de journaux et de magazines étaient très intéressés par l'idée de proposer leur contenu sur la tablette tactile d'Apple. Depuis le dévoilement du iPad, toutefois, les réactions sont partagées.

Janine Gibson, éditrice du site Guardian.co.uk, souligne qu'elle s'attendait à un produit plus révolutionnaire. La tablette proposée par Apple est relativement simple, note-t-elle.

«Apple a ouvert la voie. Le iPad ne va pas changer l'univers, mais il définit ce que doit être une tablette tactile. Il ne va pas révolutionner les journaux ou les magazines à lui seul, mais il fait entrer l'idée des tablettes tactiles dans l'esprit des consommateurs.»

Pour le site Advertising Age, la nouvelle plateforme, jumelée au désir de certains éditeurs d'imposer un tarif pour leur site web, permet d'envisager une version payante des médias sur le iPad.

«Est-ce que les gens pourraient payer 25 cents pour lire une chronique de Paul Krugman? Ce n'est pas difficile à concevoir, note l'analyste Greg Winter. De plus, les médias pourraient proposer du contenu local, basé sur la localisation géographique du iPad. Les annonceurs pourraient aussi vouloir en profiter pour rejoindre un public plus ciblé.»

Avant de dévoiler le iPhone, en 2007, Steve Jobs avait déclaré: «Les gens détestent leur téléphone cellulaire.»

En lançant le iPad, Jobs sous-entend que les gens ne sont pas complètement satisfaits de leur ordinateur portable. Les années à venir nous diront si son pari était le bon.