Un outil internet mis au point par des chercheurs canadiens pour contourner la censure est utilisé par un nombre croissant d'Iraniens pour avoir accès à des sources d'informations sur la toile, selon un de ses concepteurs.

Plus de de 18.000 Iraniens ont téléchargé ce logiciel au cours des dix derniers jours, a affirmé à l'AFP Rafal Rohozinski, patron de Psiphon Inc.Après les résultats contestés de l'élection présidentielle, les manifestants iraniens ont eu recours à des sites de socialisation comme Twitter ou Facebook pour appeler à la résistance, diffuser des informations et s'organiser.

Mais les autorités iraniennes ont répliqué en bloquant ou en limitant l'accès à ces sites ou à ceux de médias internationaux.

Le logiciel de Psiphon, développé à l'origine au «Citizen Lab» du Centre Munk de l'université de Toronto, sert à contourner les systèmes de blocage ou les filtres interdisant l'accès à certains sites d'information.

Il pratique de «petits trous» dans les pare-feu électroniques et ouvre de nouveaux liens pour parvenir aux contenus bloqués. Si un internaute veut par exemple avoir accès à un site de la BBC bloqué, une fenêtre s'ouvre offrant autre accès en passant par des serveurs à l'étranger.

«C'est un logiciel de droits de l'homme», dit M. Rohozinski. Il fait partie des chercheurs canadiens qui avaient révélé en mars dernier l'existence d'un réseau de cyber-espionnage ayant infiltré des ordinateurs d'autorités gouvernementales et de particuliers dans le monde entier.

Quelque 1.295 ordinateurs auraient ainsi été infiltrés au cours des deux dernières années, selon un rapport des chercheurs du Centre Munk pour les études internationales de l'université de Toronto.

Leur enquête avait débuté en 2008, après que les services du dalaï lama leur eurent demandé de vérifier si leurs ordinateurs n'étaient pas visités.

Les chercheurs affirmaient que ce réseau baptisé «Ghostnet» (réseau fantôme) est basé essentiellement en Chine, tout en disant ne pas être en mesure de conclure que les autorités chinoises soient impliquées.

L'idée de Psiphon est née d'un projet lancé par les universités de Toronto, Cambridge, Harvard et d'Oxford pour traquer la censure sur l'internet.

«Un nombre croissant de pays cherchent à contrôler les contenus sur internet», souligne M. Rohozinski. «Les pays autoritaires prennent de plus en plus conscience des potentialités d'internet comme mode d'expression et d'organisation de l'opposition et ils s'efforcent de plus en plus de le contrôler».

«La tendance est inquiétante et nous avons commencé à essayer de nous y opposer», explique-t-il. Les contrôles en Iran ne sont pas aussi omniprésents qu'en Chine, mais ils augmentent, dit-il.

Le Canada a été parmi les pays qui se sont montrés les plus fermes dans leur condamnation de la répression en Iran et le chargé d'affaires canadien a été convoqué par les autorités iraniennes. Selon certaines informations, il se serait notamment vu reprocher de soutenir Psiphon.

M. Rohozinski dément tout lien direct avec le gouvernement canadien. Parmi ses clients figurent la BBC et la Voix de l'Amérique.

Des sénateurs américains ont promis jeudi d'aider les opposants iraniens à s'exprimer librement. Ils ont l'intention d'aider les radios soutenues par les Etats-Unis qui diffusent leurs programmes en Iran, ainsi que les opposants au régime à contourner les restrictions imposées par Téhéran sur l'accès à internet et sur les téléphones portables.