Des photos osées d'eux-même que des adolescents et des adolescentes se partagent par divers moyens de communication, est-ce de la pornographie ou un jeu enfantin par lequel des enfants explorent une facette de leur sexualité?

Le sexting, mot-valise formé des mots sexe et texting ou message texte, est-ce de la pornographie juvénile? Oui, pour certaines autorités scolaires, policières et la justiciaires de certains États des États-Unis. Non, pour le professeur Peter Cumming, professeur agrégé à l'Université York et coordonnateur du programme d'études sur les enfants.

Pourtant, des jeunes ont été arrêtés et font face à des accusations de pornographie juvénile, comme le rapportait The Guardian. Trois jeunes filles de Greensburg, en Pennsylvanie, qui ont envoyé des photos nues d'elles-mêmes et trois jeunes hommes qui ont reçu ces photos sont accusés de pornographie juvénile. Les jeunes filles sont accusées de production et de diffusion de matériel pornographique et les jeunes hommes sont accusés de possession.

Dans l'État du Wisconsin, un jeune de 17 ans fait face aux mêmes accusations parce qu'il a envoyé à sa copine une photo de lui dévêtu. Un autre jeune de 16 ans, de Rochester, dans l'État de New York, fait face à une peine de sept ans de détention pour avoir montré à ses amis une photo de sa copine nue.

Le sexting donne des maux de tête aux autorités scolaires et aux forces policières un peu partout chez les États-Uniens, mais le professeur Cumming soutient que ce n'est guère plus que la version moderne du jeu de la bouteille, ou encore de jouer au docteur comme moyen de découverte sexuelle.

Pornographie juvénile

Appeler cela de la pornographie juvénile dépasse l'entendement, affirmait-il lors du Congrès des sciences humaines qui se déroulait à la fin de mai à l'Université Carleton, à Ottawa.

En entrevue téléphonique, le professeur Cumming soutient qu'il y a des réactions excessives face à ce phénomène. «Nous avons besoin de lois pour nous protéger des prédateurs sexuels, des harceleurs et des agresseurs adultes qui agissent dans l'illégalité, affirme-t-il. Mais lorsqu'il s'agit de deux jeunes consentants qui s'échangent des messages à connotation sexuelle et des photos un peu osées, ce n'est pas la même chose.»

Pour lui, il faudra plus de recherche par les juristes pour voir à ajuster les cadres légaux. Des psychologues devront aussi étudier le phénomène des nouveaux jeux sexuels des adolescents pendant que des spécialistes des moyens de communication tenteront d'expliquer comment les jeunes utilisent les nouveaux outils du monde moderne. «Il faut savoir ce qui se passe dans la tête des enfants, des adolescents et même des jeunes adultes lorsqu'ils font du sexting, poursuit-il. Ce sera la seule façon de pouvoir aborder le phénomène sans condamner des enfants pour autant.»

Exploration sexuelle

Le professeur Cumming, aussi coordonnateur du programme d'études sur les enfants à l'Université York, maintient que le sexting, n'est rien d'autre que la version moderne de l'exploration sexuelle que les enfants et les jeunes font depuis toujours. «Depuis toujours, les enfants et les jeunes sont des êtres sexués qui ont exploré leur sexualité, et ce, quel que soit la culture ou le pays.»

Par contre, il admet que «la technologie change effectivement les choses, et peut avoir de très graves conséquences. Lorsque l'échange de messages sexuellement explicites ou d'images osées se fait en privé, il n'y a pas de conséquence. Mais on devrait savoir aussi qu'il y a des risques que ces images, passant par le cellulaire ou Internet, puissent se retrouver sur des sites publics. Et à ce moment, il y a un problème.»

Mais songer à apposer l'étiquette de délinquant sexuel à un adolescent qui a fait du sexting, étiquette qu'il conservera pendant toute sa vie, dépasse l'entendement. «Il y a très peu de chances de voir aux nouvelles des reportages nous annonçant que des enfants ont été pris en flagrant délit de jouer à la bouteille, au docteur ou au poker érotique», ajoutait-il dans sa conférence à Ottawa.

«C'est aussi une question d'éthique que de chercher à savoir si les enfants sont capables de créer de la pornographie juvénile. Laissés à leurs propres moyens, les enfants ne sont-ils pas enclins à prendre de mauvaises décisions?», déclare M. Cumming.

Mais les adultes aussi sont capables de prendre de mauvaises décisions. La fureur entourant le sexting, n'est selon lui que la version moderne du scandale causé, dans les années 50, par les déhanchements sur scène d'Elvis Presley. Au lieu de s'énerver au sujet du sexting, il dit de prendre une grande respiration, de mettre les choses en contexte et de faire preuve de bon sens.

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