Sans lancer le moindre appel d'offres, le ministère de l'Éducation a accordé un contrat de 1,32 million à Microsoft pour acquérir 1800 licences de la suite de bureautique Microsoft Office Professionnel 2007.

En plus de ces 1800 licences, toutes les commissions scolaires de la province devront également mettre «dès ce printemps» à disposition de leurs employés des ordinateurs équipés du logiciel Office 2007 Professionnel.

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«Il n'y a pas eu d'appel d'offres, car il y a seulement Microsoft qui donne le logiciel Office 2007», justifie-t-on au ministère de l'Éducation.

Cette explication fait bien rire Cyrille Béraud, président de Savoir-faire Linux, une firme montréalaise experte dans l'implantation de logiciels libres en entreprise. «C'est comme si le gouvernement changeait son parc automobile pour des BMW en disant qu'il n'y a que BMW qui fabrique des BMW», affirme-t-il.

Le ministère de l'Éducation paiera 733$ par licence pour l'utilisation de Microsoft Office 2007. Installer un équivalent libre et gratuit comme Open Office lui coûterait une fraction de ce prix, estime Savoir-faire Linux. «Le simple fait de nous mettre en concurrence dans un appel d'offres contre Microsoft aurait probablement forcé Microsoft à baisser son prix, estime M. Béraud. C'est un bel exemple de la mainmise qu'a cette multinationale sur le gouvernement. Et ce n'est là que la pointe de l'iceberg.»

Selon Savoir-Faire Linux, le fait de procéder sans appel d'offres contrevient au Règlement sur les contrats d'approvisionnement des ministères et des organismes publics, qui précise que le gouvernement ne peut accorder de contrat sans appel d'offres à une entreprise s'il n'a pas au préalable fait «une recherche sérieuse et documentée» démontrant qu'aucun concurrent ne peut fournir de produit semblable.

En mars 2008, Savoir-faire Linux a intenté une poursuite contre la Régie des rentes du Québec, après que celle-ci eut annoncé qu'elle comptait confier à Microsoft, sans appel d'offres, le renouvellement des licences des systèmes d'exploitation de son parc informatique.

«Les contrats que conclut le gouvernement avec Microsoft sont toujours d'une grande opacité», affirme M. Béraud.

Microsoft devra dévoiler ses contrats

Selon ce qu'a appris La Presse, Microsoft devra cependant bientôt ouvrir ses livres, du moins en partie. À la mi-mars, la Cour supérieure du Québec a ordonné à la Régie des rentes de communiquer à Savoir-faire Linux certains détails des contrats qu'elle a confiés à la multinationale de Silicon Valley.

Cette décision de la Cour supérieure tombe alors que, un peu partout dans le monde, les gouvernements ont commencé à adopter des logiciels ouverts pour économiser les frais de licence. En France, la Gendarmerie nationale et la Direction générale des impôts ont troqué toutes leurs suites de logiciel Microsoft Office pour leur équivalent ouvert Open Office. Ils soutiennent économiser chacun des dizaines de milliers d'euros par année.

Aux Pays-Bas, depuis 2007, en vertu d'une politique dite comply or explain (se conformer ou expliquer), le gouvernement doit obligatoirement favoriser l'acquisition de logiciels libres et ouverts, à défaut de quoi il doit expliquer publiquement son choix.

«Au Québec, il y a clairement un manque de volonté politique pour que le logiciel libre prenne son envol, estime Louis Martin, titulaire de la chaire Logiciel libre, finance sociale et solidaire de l'UQAM. Le problème, c'est qu'il y a une profonde méconnaissance de ce que sont ces logiciels. Ce n'est évidemment pas une panacée, mais c'est une solution qui mérite d'être étudiée sérieusement», croit-il.

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