Les logiciels libres sont de plus en plus populaires en entreprise. Il faut dire qu'en théorie, ils sont plus qu'attrayants, notamment avec cette promesse de réduction importante des coûts d'acquisition et d'utilisation. Sauf qu'en pratique, ce n'est pas aussi apparent. N'empêche: la crise qui a cours pourrait accélérer leur adoption.

De toute façon, cette adoption semble inévitable. La société Gartner estime que dans trois ans, pas moins de neuf entreprises sur dix intégreront au moins un logiciel libre dans leurs activités courantes. Elles risquent cependant d'être aux prises avec des problèmes techniques qui pourraient leur faire regretter un tel choix, préviennent-ils. «Dans bien des cas, l'offre, l'entretien et les frais d'utilisation vont demeurer identiques [à une solution propriétaire] », conclut Gartner.

Il faut dire qu'il existe de plus en plus de logiciels libres pour entreprises. Et des organismes pour offrir un soutien aux PME qui les adoptent. Celles-ci sont de plus en plus nombreuses. La société Infoglobe le constate: sa clientèle comprend de plus en plus de PME.

Même si, en fin de compte, les économies promises par des logiciels annoncés comme étant gratis ne sont pas souvent au rendez-vous. Zineb Midafi, chargée de projets pour Infoglobe, explique: «C'est difficile de pouvoir quantifier les économies réelles. Au moins, ça évite d'avoir à payer une licence annuelle, ou d'avoir à faire des mises à jour forcées sans qu'on le veuille.»

Josianne Marsan est étudiante au doctorat en technologie de l'information à HEC Montréal. Sa thèse porte justement sur les logiciels libres. Elle semble appuyer l'avertissement lancé par Gartner dans son étude: si l'offre de ces logiciels va grandissant, la demande, elle, se fait un peu à reculons. «Il y a des interrogations qui reviennent souvent", dit-elle. «Certaines entreprises ont simplement peur de l'inconnu, d'autres de l'absence de soutien technique pour ces logiciels.»

Le poids du nombre

Bref, ce ne sera pas nécessairement l'eldorado promis par plusieurs. Mais la crise qui n'en finit plus semble favoriser les logiciels libres malgré tout. C'est ce que pense Pascale Tardif, ingénieure au Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), une spécialiste lorsqu'il est question de logiciels libres. «La crise va mener à une nouvelle façon de faire des affaires qui risque de faire une grande place aux logiciels libres», dit-elle. Sans être une solution de réduction des coûts qui pourrait sauver une entreprise en difficulté.

C'est plutôt la fragilité financière de certains géants, jusque-là perçus comme des intouchables, qui laisse l'impression que des solutions libres, développées par une communauté de développeurs indépendants, pourraient s'avérer plus durables que leurs homologues propriétaires. «Il y a un an, on pensait que General Motors était increvable», illustre l'ingénieure. Et aujourd'hui, ses clients se demandent qui assumera la garantie qu'elle offre sur tous ses véhicules si l'entreprise devait disparaître.

«Qu'est-ce qui nous dit que dans cinq ou dix ans, une entreprise dont les documents ont été rédigés dans une vieille version de Word pourra encore accéder à leur contenu? », demande Pascale Tardif. Poursuivant dans la métaphore automobile, elle ajoute: «Les logiciels libres sont comme les pièces d'une automobile.» On peut donc changer certaines pièces spécifiques au besoin, pas tout le véhicule. «Quand un logiciel est produit par une forte communauté de développeurs, c'est un produit de très grande qualité.»

Il faut dire que le CRIM prêche un peu pour sa paroisse. Le Centre montréalais présentait la semaine dernière son tout nouveau-né, un logiciel de gestion électronique des documents appelé Alfresco, qui s'opère tout à fait gratuitement.

Ce faisant, l'organisme montréalais s'implique pour aider à corriger le manque de soutien pour les PME québécoises. «C'est quelque chose que le CRIM peut faire», admet Pascale Tardif. «Ce n'est peut-être pas une véritable solution de réduction de coûts, mais c'est une façon plus intelligente de faire du logiciel.»