L'édition québécoise vient de franchir un premier pas pour assurer sa place dans le marché du livre numérique avec la mise sur pied d'une «plateforme d'agrégation» où peuvent déjà s'approvisionner les bibliothèques et les intermédiaires comme les librairies en ligne.

«Nous ne pouvions attendre le grand soir pour assurer le positionnement stratégique de l'édition francophone au Canada», disait hier Pierre Lefrançois, directeur général de l'Association nationale des éditeurs de livres qui regroupe une centaine d'éditeurs québécois.

 

Après deux ans d'analyses et de réflexion, l'ANEL a confié à la firme DeMarque la conception, l'exploitation et le développement de cet «entrepôt numérique» qui contient déjà plus de 1000 titres; l'objectif pour l'année 2009 est de 2000 titres. Clément Laberge, le chargé de projet de DeMarque, rentre d'un séjour de trois ans en France où il a travaillé à des projets semblables.

«À ma connaissance, c'est la première fois que des éditeurs indépendants se dotent d'une plateforme de ce type. Les grands groupes d'édition ont développé leurs propres systèmes, mais ceux-ci sont hors de la portée des petits éditeurs, tant par la difficulté technique de leur exploitation que par les investissements qu'ils requièrent.»

Pour M. Laberge, l'agrégateur permettra aux éditeurs d'ici - qui en gardent le contrôle total - et aux autres acteurs de la chaîne du livre de profiter du «microclimat « québécois qui découle de la petitesse du marché et de l'absence de gros joueurs comme Amazon.

«Véritable bulldozer» Amazon.com, aux États-Unis, contrôle 90% des ventes de livres par internet (livres papier qui sont envoyés par la poste), un segment qui représente 12% du marché total américain. En France, les ventes par internet comptent pour 6 à 8% du marché, mais Amazon n'en contrôle que 55%, principalement à cause de la politique française du «prix unique» qui modère les ardeurs de l'ogre.

Au Québec, les ventes de livres par internet comptent pour moins de 3% du marché, occupé par des sites transactionnels tels www.livresquebecois.com, exploité par les Librairies indépendantes du Québec.

Quant au livre électronique, il occupe encore ici une place négligeable (1% du marché américain bien que neuf titres sur 10 soient disponibles) mais 2009 laisse entrevoir une fulgurante montée du livrel (eBook), qu'on peut lire avec des appareils comme le Sony Portable Reader ou le Cybook.

Parallèlement, de plus en plus d'utilisateurs de BlackBerry se servent de ce petit appareil multifonctionnel pour lire des livrels. Cette utilisation demande toutefois d'autres formats que le PDF (Portable Document Format) dont les éditeurs se servent pour envoyer leurs livres à l'imprimerie et, jusqu'à nouvel ordre, au nouvel entrepôt numérique.

Ils ne pourront attendre deux ans avant de s'ajuster à la nouvelle demande sinon les «nouveaux» lecteurs se tourneront vers les contenus anglophones ou français. Et d'autres choix stratégiques ne manqueront pas de se poser aux éditeurs québécois pour qui, à défaut d'un grand soir, le progrès se pose comme une suite de «petites soirées» qu'ils ne peuvent se permettre de rater.