Après l'éclatement de la bulle techno en 2000, le secteur du capital-risque s'est écroulé. Au Québec, de 2002 à 2006, il s'en est suivi ce que plusieurs ont surnommé la traversée du désert. Le retour d'investisseurs privés a finalement ravivé le secteur, mais la province pourrait bien se diriger à nouveau vers une pénurie de ces capitaux venant en aide au démarrage de nouvelles entreprises.

Le nouveau directeur de TechnoMontréal, l'association de la grappe des technologies de l'information et des communications (TIC) du grand Montréal, l'admet d'entrée de jeu: certains investisseurs n'ont peut-être plus les moyens qu'ils avaient il y a un mois à peine. «Leurs actifs à la Bourse sont moindres. C'est sûr que ça a un impact», dit Martin Duchaîne.Au Québec, la crise coïncide par ailleurs avec le retrait de plusieurs fonds d'aide au démarrage, ce qui pourrait amplifier la pénurie des capitaux dévoués aux technologies émergentes, entre autres.

Le manque chronique de fonds disponibles dans la province, qui date d'avant la crise, s'ajoute à la liste. Bref, l'argent se fait rare. M. Duchaîne, qui est aussi le cofondateur du réseau Anges Québec, pense que c'est le rôle du gouvernement de s'attaquer au problème, cette fois-ci. «On est présentement en attente, dit-il. De nouveaux fonds spécialisés vont être nécessaires. Ces dernières années, le privé a pris beaucoup de place, mais là on veut une contribution du public. Il faut un juste milieu.»

Si on s'en donne les moyens, M. Duchaîne estime que la période d'incertitude actuelle est aussi synonyme d'occasions d'affaires attrayantes. «Il y a une récession et jusqu'à maintenant, le Québec s'en tire bien. La conjoncture est plus difficile pour les Américains. C'est l'occasion d'en profiter», dit-il.

Un ralentissement mondial

Au sud de la frontière, les perspectives de croissance pour les TIC sont plus que sombres. Il y a 10 jours, le groupe recherche Forrester a révisé à la baisse ses prévisions des dépenses en technologies de l'information pour la prochaine année. «Nous ne changeons pas nos prévisions très fréquemment», expliquait à ce propos Andrew Bartels, analyste pour Forrester. «Mais il est difficile d'ignorer ce qui s'est passé sur les marchés ces dernières semaines.»

Il semble bien que l'impact de la crise se fera sentir jusqu'en 2010, au moins. Jusqu'ici, Forrester tablait sur une croissance des dépenses en TIC établie à environ 6% pour 2009, soit 1% à 2% de moins que pour l'ensemble de la planète. Désormais, il faut plutôt espérer une croissance de 2%, peut-être 3% seulement. Idem à l'échelle globale: la croissance ne devrait pas excéder 4%.

Pour les technos, l'impact sera presque aussi néfaste que l'a été l'éclatement de la bulle au début de la décennie. Du moins, si on se fie à un sondage publié la semaine dernière par la société DLA Piper, effectué auprès de «dirigeants influents au sein du secteur technologique» ces dernières semaines. Déjà, les trois quarts des répondants affirment que leur entreprise est déjà affectée par la secousse économique. De leur côté, les investisseurs en capital-risque interrogés sont presque à moitié convaincus que la crise sera au moins aussi grave, pour le démarrage de nouvelles entreprises, que l'a été la dégringolade boursière des technos en 2000.

«Nous pensons que ce pessimisme est largement causé par le recours prononcé des investisseurs à des fusions et acquisitions ou à une inscription en Bourse pour rentabiliser leurs investissements», explique Peter Astiz, cochef de DLA Piper. Mais il précise que deux tiers des chefs d'entreprise sondés (67%) sont de l'avis contraire. «Ils voient leurs revenus diminuer à court terme, mais ils ne prévoient généralement pas réduire leurs dépenses en marketing ou en R-D, preuve de leur optimisme», conclut-il.