Et si les robots devaient être beaux avant d'offrir un concentré de technologie ? Et s'ils devaient être pratiques avant de battre des records ? Et si chercheurs et utilisateurs collaboraient davantage, comme ils ont tenté de le faire à Nice, lors de la plus grande conférence mondiale sur la robotique.

Délaissant pour un moment les séminaires pointus de l'International conference on intelligent robots and systems (Iros), quelques-uns des 1400 scientifiques réunis jusqu'à la fin de la semaine ont débattu des conditions d'intégration des robots dans le quotidien des humains.Robot de surveillance, robot d'assistance, robot médical: à l'horizon 2025, la robotique de service à la personne devrait représenter environ 80% du marché de la robotique, loin devant ses applications au secteur industriel, ont rappelé les organisateurs citant les prévisions de la «Japan Robot Association».

Encore faut-il que les chercheurs aient bien conscience des attentes des futurs utilisateurs, notamment les personnes âgées ou celles souffrant de handicap.

À en croire Jean-Luc Simon, responsable pour l'Europe de l'Organisation mondiale des personnes handicapées (OMPH) et grand témoin de ce débat, le décalage est souvent flagrant entre les préoccupations des deux parties.

«Je n'attends certainement pas des chercheurs qu'ils inventent un appareil miracle pour m'aider à remarcher», a expliqué à une assemblée quelque peu déconcertée ce quinquagénaire paraplégique depuis un accident de voiture survenu à l'âge de 25 ans.

«Je me suis forgé une nouvelle identité intégrant mon handicap et faire le chemin en sens inverse serait tout aussi traumatisant», a-t-il argumenté.

Sa priorité: «bénéficier d'innovations technologiques qui nous relient à la société, de robots qui nous rendent la vie plus facile avec les autres et non en solitaires. C'est vraiment ça l'essentiel».

Et quand un chercheur, créateur d'un bras articulé pour fauteuil roulant, lui demande quelles fonctionnalités il souhaiterait voir ajouter à son fauteuil, Jean-Luc Simon le prend de court en énumérant ses souhaits, assez élémentaires: «Design, légèreté, coût».

Design ? «L'aspect esthétique est une condition de l'intégration d'une technologie et de son porteur dans la société», justifie-t-il.

Un constat partagé par Giulio Rosati, chercheur en robotique à l'université de Padoue (Italie): «entre une prothèse bourrée des gadgets les plus pointus et une autre, plus simple mais plus ressemblante au membre qu'elle remplace, le patient a tendance à choisir la plus réaliste, celle qui se remarquera le moins».

Jean-Pierre Merlet, responsable scientifique à l'Institut national de la recherche en informatique et automatique (Inria), organisateur de la conférence Iros 2008, cite l'exemple d'un robot très performant d'assistance aux personnes âgées: «le problème, c'est que quand vous le voyez, vous changez de trottoir, vous ne ferez jamais entrer ce genre de chose dans le quotidien d'un individu».

Si les chercheurs semblent désireux de renforcer les liens avec les utilisateurs de robots, ils reconnaissent également les difficultés du dialogue: «Nous travaillons sur des temporalités très longues et il n'est pas facile de trouver des interlocuteurs motivés pour développer un projet sur 10, 15 ans, souligne M. Merlet. Il faut aussi que chacun apprivoise le langage de l'autre. C'est loin d'être évident».