Le stress est devenu, en moins de 15 ans, la cause principale d'absence au travail et celle qui coûte le plus cher aux entreprises et organisations. Une enquête de Statistique Canada, en 2004, révèle que 40 % des travailleurs âgés de 15 à 75 ans ont déclaré être un peu stressés. Mais ce sont les 15 à 24 ans qui semblent les plus affectés, dont le tiers se disaient très souvent stressés.

«Et c'est un phénomène qui ne cesse de progresser», observe Jean-Pierre Brun, titulaire de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité au travail de l'Université Laval. La technologie, loin de réduire le stress des employés, ne fait que l'empirer, ajoute le professeur.

«Avec les Blackberry, cellulaires, courriels et compagnie, on peut vous joindre 24 heures sur 24», dit-il. Ces gens qui ne décrochent plus de leur boulot, on les appelle les technostressés.

Surchauffe des cerveaux

Connu pour son approche des médecines douces, le Dr Jean Drouin qui pratique au CHUL parle dans son livre Guérir sa vie de surchauffe des cerveaux dans le monde du travail. «On n'est jamais, jamais à off», dit-il au téléphone. «Moi, je reçois des patients extrêmement nerveux qui, à force d'être branchés, finissent par développer des problèmes de concentration, de sommeil en plus d'affaiblir leur système immunitaire.»

«Quand on sort à tout bout de champ les travailleurs de leur zone de confort, c'est normal qu'ils deviennent inquiets et stressés», précise M. Brun. Par exemple, vous avez à peine le temps d'apprivoiser un nouveau logiciel qu'on vous en installe un autre. Et hop, c'est reparti pour une nouvelle formation.

Mais plus que tout, c'est la charge de travail imposée aux employés qui fait problème, poursuit M. Brun. Là où on utilisait deux personnes pour une activité, il n'y en a plus qu'une pour des raisons de compétitivité et de coût. C'est clair qu'il y a une intensification du travail un peu partout. «Prenez les journalistes, dit-il. Ils ne se contentent plus d'écrire des papiers, ils doivent aussi alimenter le fil électronique, créer des blogues et prendre des photos.»

Est-ce que l'âge joue sur le facteur stress? Les jeunes sont moins stressés que les plus âgés pour ce qui est des nouvelles technologies, soutient Jean-Pierre Brun, mais reste à savoir si l'intensité du travail aura des effets sur leur santé. Il faudra voir dans 5 ou 10 ans.

Le Dr Jean Drouin s'inquiète pour sa part de voir les 25 à 30 ans se «booster» aux boissons énergisantes. «Avec ça, on est en train de créer un monde de stressés, dit-il. Par contre, ont-ils le choix ou non de suivre la parade? demande-t-il. Le monde actuel de l'emploi étant ce qu'il est, ils se sentent obligés d'être compétitifs et performants. Ce qui n'est plus le cas des plus âgés.»

Pour Jean-Pierre Brun, dans l'avenir, les organisations n'auront pas le choix de s'occuper des problèmes de santé mentale parce que de toute façon les humains ne seront pas capables d'aller plus vite et encore plus vite. «Je pense que les limites sont atteintes. Les entreprises et syndicats devront innover dans les façons de gérer et d'aborder les tâches. Être aussi plus créatif parce qu'on ne pourra jamais faire comme la Chine avec des jobs à 1 $ de l'heure.»

Plusieurs entreprises ont commencé à proposer des horaires flexibles, des congés pour la rentrée, une participation aux décisions ainsi qu'un bon environnement de travail. Des gestes de nature à améliorer la santé des employés, conclut M. Brun.